2e festival court d’Hendaye : les derniers seront les premiers !

Dans toute compétition, il y a des gagnants et des perdants : l’hommage aux gagnants est de mise, mais ce qui s’impose également est de parler de certains perdants sans esprit de polémique certes, mais simplement en expliquant pourquoi certains films nous ont particulièrement touché.

Parmi les courts-métrages qui n’ont rien gagné lors du second Festival des courts-métrages d’Hendaye il y en a un, Destino qui mérite un salut particulier. Mais avant de rendre hommage à cette comédie géniale, un mot sur « Zangro », le réalisateur de ce court et remarquable film dont le parcours reflète la diversité culturelle et ses enjeux. Naissance en France, enfance à Madrid, adolescence à Marrakech, étudiant à Bordeaux. Après les émeutes des banlieues de 2005, il crée « En attendant demain », un collectif qui dévoile la réalité des quartiers par le biais de la comédie. Plus tard, il fonde un site de comédie sur la relation entre la France et l’Islam (apartçatoutvabien.com).

En 25 minutes et 49 seconds, sans jamais perdre le sens de l’humour, le réalisateur arrive à toucher les sentiments plus profondes de l’amour, à décrire l’humanité profonde de la débrouillardise, à dénoncer la problématique sociale et à mettre en lumière le métissage culturel qui se bâtit dans les lieux où des jeunes d’héritage culturel et religieux différent se côtoient, se confrontent et collaborent non sans des naturels différends. Le tout dans la France profonde des vignes et les châteaux de la région bordelaise, une France d’image d’Epinal où on s’attend le moins de voir circuler la camionnette équipée en studio audiovisuel de Loïc et Mehdi. Le premier, français de souche converti à l’islam par amour d’une fille qui l’a planté, et le second, fils d’immigrés algériens amoureux de Leila promise à une riche famille de marocains installés en France. Les deux ont monté une affaire consistant à filmer les mariages et à les monter dans leur fourgonnette et ce jour là Loïc et Mehdi sont contactés pour filmer le mariage de la même Leila…

Mais Destino est beaucoup plus qu’une belle comédie, parce qu’il nous confirme qu’il existe une forte charge d’énergie, de liberté de pensée et de créativité aux marges du mainstream. L’idée que la périphérie apporte souvent des intuitions plus originelles que le centre n’est pas nouvelle : Il souffrirait peut être de rappeler que dans ses hommages à Gramsci, le politologue britannique Eric Hobsbawm a souvent salué « le regard depuis le marge » du fils de la Sardaigne profonde et on ne peut plus périphérique par rapport à l’Italie continentale.

Dans ce même filon qui parle des marges au pluriel, signalons Journée d’Appel, court métrage de Basile Doganis. Une bande de jeunes banlieusards passent leur journée d’appel à la caserne de Versailles. Mais l’un d’entre eux de souche africaine arrive trop tard et se retrouve à passer la journée en tant que visiteur du château de Versailles avec un voisin d’origine maghrébine. Filmé au coeur même de l’exception culturelle française blanche , catholique et postmonarchique, le bleu et le beur, issus des marges se parlent, se confrontent et échangent leurs expériences on ne peut plus différents sachant que le premier vivras les effets du chômage chronique et le second deviendra un excellent étudiant et plus tard, qui sait , un digne représentant de la nouvelle élite postimmigrante.

Au delà de l’opposition entre deux typologies de fils d’immigrés aux antipodes ce qui saute à l’œil dans le film est l’image positive de l’armée et celle négative de la police. On espère que ces paras directs et respectueux soient le reflet du réel et que les flics violents et insultants une simple caricature. On le souhaite…

A propos des paras… Territoire, réalisé par Vincent Paronnaud est un film qui ne nous rajeunit pas parce qu’il nous renvoie à 1957, peut être l’année la plus dure de la guerre d’Algérie, mais qui résonne d’actualité. Un berger arrive sur l’estive d’une vallée pyrénéenne avec son troupeau, en bon berger il est préparé pour faire face aux loups, mais il découvre une menace bien plus féroce : des tests secrets faites sur un peloton de parachutistes qui s’entraînent pour la guerre et qui transforment les soldats en loup garous.

Dommage que l’œuvre surfe sur la vague du film d’horreur en titillant la fibre bien connue des inénarrables secrets de l’Etat. C’est inquiétant à cette époque où la guerre semble être devenue la norme et où, selon certaines sources, des scientifiques au service des forces armées américaines sont en train d’étudier la composition génétique d’une typologie d’oiseau migrateur, pas n’importe lequel, une espèce qui peut voler pendant une semaine sans jamais dormir…

D’un horreur à l’autre : Disney Ramallah de la réalisatrice franco-israélienne Tamara Erde est l’histoire d’un électrotechnicien palestinien dans le collimateur de l’armée israélienne qui essaye par tous les moyens de rendre heureux son fils. Le petit voudrait tant visiter Eurodisney pour son anniversaire, ce qui est possible seulement dans la fantaisie d’un enfant, s’il est palestinien. Ce regard de 16 minutes sur la tragédie au quotidien des familles palestiniennes qui s’accrochent comme elles peuvent à la vie en faisant face à la mort, est un geste de courage qu’on tient à saluer, surtout parce qu’il est l’œuvre d’une jeune femme juive née à Tel Aviv.

 

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