Commençons cette chronique avec un film du Kazakhstan: A Dark-Dark Man, (un homme sombre), film d’Adilkhan Yerzhanov, en compétition officielle pour la Coquille d’or du festival. L’histoire tourne autour d’assassinats et viols d’enfants dans des villages paumés de la steppe casaque. Afin de couvrir les vrais coupables, un détective reçoit l’ordre de clore l’enquête en chargeant un handicapé mental qui n’y est pour rien. L’arrivée d’une journaliste complique cette sordide opération de maquillage.
Un Gilles de Rais contemporain
Par delà ce macabre fait divers qui rappelle le sanglant Gilles de Rais, l' »homme sombre » du Kazakhstan est un courageuse dénonciation de la catastrophe sociale et morale de ce pays surgi de décombres de l’Union soviétique. La corruption comme mode de vie, l’abus de pouvoir et l’impunité d’un pouvoir détenus par des caïds et des mafieux. L’œuvre de Yerzhanov est un coup de poing à l’estomac de ceux qui voyaient dans l’effondrement de l’ancienne superpuissance, un quelconque espoir civique. Le langage ici, illustre l’abîme entre théorie et la pratique d’une enquête policière qui se déroule avec les apparences de la légalité: les policiers s’expriment comme s’ils étaient des figurants de séries télévisés américaines : ils parlant au nom de la Loi (5e amendement, droits Miranda) alors que la réalité c’est la loi de la jungle. Ce film, où se mêlent les langue casaque et russe a un aussi un grand mérite, de nature esthétique: la photographie. Les paysages, les scènes et las premiers plans ne peuvent pas laisser le spectateur indifférent.
Le prix pour la photo, serait mérité. Mais il y a aussi un petit détail qui ne nous a pas échappé: les seuls deux caractères positifs du film, ladite journaliste et l’ancien copain d’école du détective qui vit en peintre-ermite dans un bled plus paumés que les autres, elle d’ethnie casaque lui russe, sont uniquement russophones. Peut-être un brin de nostalgie de l’ancienne époque, où le pouvoir, le vrai, s’exprimait en russe.
Venons à « Africa », l’œuvre du jeune réalisateur israélien Oren Gerner, un portrait intime d’une coupe d’israéliens à la retraite qui font face aux changements dans la société et s’adaptent mal à une jeunesse, arrogante et incompétente. Voilà que l’Afrique des parcs naturels de Namibie, avec ses animaux exotiques entre en scène comme évasion. Faut le dire, vu le niveau de la production audiovisuelle de l’État hébreu, on s’attendait bien plus.
Heroic Losers »
Terminons cette chronique avec un petit bijou argentin: « La Odisea de los giles », traduit en Anglais par « Heroic Losers », les perdants héroiques. Ce film réalisé par Sébastian Borensztein ayant comme protagoniste le fameux acteur argentin Ricardo Darin, est une adaptation d’un livre de Eduardo Sancheri et raconte l’histoire d’un groupe de citoyens escroqués par un banquier qui arrivent à récupérer leur argent, pendant la crise qui sévit l’Argentine en 2001, le notoire, « corralito », époque où les banques bloquaient l’accès des citoyens à son propre argent. Il s’agit de l’histoire de gens d’une petite ville de la province rurale qui veulent relancer l’économie locale en établissant une coopérative et par naïveté ils se font escroquer par un banquier sans scrupules. Les pauvres escroqués, qui paraissent une armée Brancaleone du 21 siècle s’organisent, identifient l’endroit où l’escroc a caché leur argent et gagnent. Héroïques, oui, mais pas perdants.