Avant d’entrer dans le dur de la 68e édition du Festival International du cinéma de Saint-Sébastien, un préambule s’impose. Il est important de souligner les conditions dans lesquelles s’est déroulé cette rencontre du cinéma du mois de septembre dernier parce qu’il pourrait s’agir d’un indicateur à venir dans tout ce qui touche l’art et les spectacles.
Si l’on souhaite que les festivals en tant que tels veulent survivre au covid-19, la peste de notre temps, les organisateurs ont intérêt à s’inspirer de Saint-Sébastien dont la réussite à cet égard est remarquable. Dans ces conditions difficiles. Certes il était difficile de conserver sa dimension festive qui faisait son charme. Ce n’est pas la seule manifestation à en pâtir. Il est aussi malheureusement clair que nous devrons nous adapter à une situation dans laquelle l’accès aux projections et aux conférences de presse doit passer par un système d’inscription en ligne. Visio-conférences et masques obligatoires, cela va sans dire.
En espérant que l’année qui vient de commencer sera plus clémente envers des pays entiers réduits à une condition alternant entre un espèce d’état d’assignation à résidence en version « soft » et des couvre-feux « décaféinés », la 68e édition du Festival à Saint-Sébastien en septembre dernier peut être utile pour comprendre comment s’adapter à la présentation au public de toute production culturelle à l’avenir.
Les vainqueurs
Venons aux gagnants. Le grand gagnant de l’édition 2020 a été le film géorgien , » ou commencement. L’œuvre première de la directrice Dea Kulumbegashvili a remporté la Coquille d’or du meilleur film, la Coquille d’argent de la meilleure interprétation féminine (Ia Sukhitashvili) et le prix du jury pour la meilleure mise en scène. Le film raconte l’histoire de la femme d’un chef d’une communauté de Témoins de Jéhovah, qui commence à questionner l’autorité que le mari a sur elle et s’engage dans un tortueux chemin de recherche du soi qui parfois prend l’allure d’un course qui conduit la protagoniste dans un cul de sac. Dasatskisi est un film qui ne peut pas laisser indifférents : un étrange mélange de beauté et de violence, dès l’une des premières scènes du film, un attaque style pogrom contre le centre communautaire des témoins de Jéhovah, en passant par la scène du viol de la protagoniste, filmé en gros plan : la violence est reine. En effet il s’agit d’un croisement d’ailleurs assumé par la réalisatrice: « la beauté et la violence ne peuvent pas être dissociées entendus séparément » a expliqué Dea Kulumbegashvili « les deux phénomènes construisent la vie de Yana », la protagoniste, interprétée par Ia Sukhitashvili, la meilleure interprétation féminine du festival.
N’oubliant pas que Dasatskisi est un film de Géorgie ; ergo d’un pays du Caucase et sachant des dernières événements tragiques de cette région du monde marqué par le sang du conflit dans le Karabach, et rappelant que ces événements sont en fait les résultats retardés de la chute de l’Union soviétique, il me semble en conclusion qu’il est parfois nécessaire d’etre répétitif et même provocateur.
En prennent le risque d’être répétitif, il me semble que Dasatskisi le film, et sa protagoniste Yana, sont une métaphore pour les pays du Caucase qui, entre violence et beauté, se cherchent au risque de terminer dans l’impasse.
En assumant le risque de provoquer… le grand frère russe, le Caucase moderne , même éclaté, brille magnifiquement sur le grand écran. Il le fait avec un nuance fondamentale et « sine qua non », qu’ont les créateurs de la périphérie dans leur rapport avec le centre, ici en occurrence l’immense russie et ses multiples avatars historiques : de l’empire tsariste en passant par la domination soviétique et aujourd’hui de la fédération russe. Encore une fois l’impasse beau et violent de la belle Yana de Dasatskisi est une métaphore d’un ensemble régional.
Faudrait-il rappeler à ces jeunes cinéastes géorgiennes qu’il n’y a pas de honte dans une condition périphérique et que dans d’autres latitudes, où plutôt longitudes, les « périphéries » ont donné la pensée du sarde Gramsci et la plume du sicilien Pirandello.