Avant de donner un coup de chapeau au public de la 28e édition du Festival International des Programmes Audiovisuels (FIPA 2015), un amiable avertissement aux lecteurs : profondément touché par les œuvres faisant l’objet de cette chronique, votre serviteur n’a pas pu empêcher ici et là un passage à la première personne du singulier.
L’œuvre qui a conquis le public biarrot est « Rwanda, la vie après – Paroles de mères », est un bouleversant documentaire sur le viol des femmes lors du génocide au Rwanda. Vingt ans après l’horreur de ce génocide, l’œuvre de Benoît Dervaux et André Versaille donne la parole à six femmes tutsies victimes de viol ainsi qu’aux enfants nés de ces viols et maintenant devenus de jeunes adultes…
« Je ne savais pas si j’allais accoucher d’une bête féroce ou d’un petit bébé… » déclare l’une des victimes . « J’ai voulu mourir quand j’ai su que mon père était un Interahawme (un milicien génocidaire hutu)… » raconte un jeune ado. Pour tout homme qui se croit tel, cette production belge, s’appuyant sur une courageuse organisation locale, est pour tout homme, pardonnez l’expression, une coup de pied dans le couilles.
Que faire, quand il n’y a vraiment rien à dire ou ajouter sinon s’agenouiller devant le courage et le désespoir de ces femmes. Dignité de ces mères-courages, honte silencieuse de leurs enfants, la public a réagi. loin des « experts » et des « accrédités » le public, a décidé de primer Rwanda, il y a peut être un signe que la conscience humaine existe encore dans notre époque !
Passons de la dignité dans l’horreur du Rwanda à la dignité dans la beauté de la Mongolie. Le film « Taïga », produit par le français Hamid Sardar, a remporté le FIPA d’or de la section « Grands Reportages et Investigations ». Sous le fond des merveilleux paysages et d’une photographie à couper le souffle, la caméra de Sardar suit la vie des derniers éleveurs nomades de Mongolie. Un documentaire sans voix off, sans explication excepté celle que donnent les protagonistes. Ou en d’autres mots sans ce filtre souvent prétentieusement didactique d’une voix étrange qui se superpose au langage corporel et linguistique des protagonistes qui déferlent sur l’écran. Un pari gagnant dans la forme qui permet au spectateur de se laisser transporter dans le fond des lieux et les histoires d’une famille d’éleveurs mongols, qui certes évoluent avec leurs temps ; où les chevaux d’antan sont remplacés par des camions militaires, qui regrettent que « la nouvelle génération postcommuniste soit en train de devenir trop moue », mais qui néanmoins résistent à l’argent facile des compagnies minières « qui cherchent des chauffeurs pour creuser des trous qui détruisent la terre ».
Le rapport de l’homme à la nature est sublimement expliqué par la relation de respect qui lie l’éleveur mongol au loup, l’éternel ennemi des troupeaux : « au paradis des chamanes d’antan l’homme et le loup parlaient la même langue ; ils répondent encore au même appel » raconte le vieux patriarche à son petit-fils. Le jeune réagit par une autre question : « grand-père, mais le loup est-il un ange ou un diable ? » a quoi le vieillard répond « les deux, comme l’homme… » Encore une fois, il n’y a rien à ajouter qui ne puisse s’incliner devant cette œuvre de Hamid Sardar.
Il y a quelque chose d’original et de profond dans « Taïga », quelque chose que je n’arrive pas à expliquer. Vers la fin de la cérémonie de clôture, pour éviter les déclarations grandiloquents, souvent inévitable dans ce contexte, j’ai décidé de couper et de soulager un besoin bien naturel. C’est ainsi que je me suis retrouvé seul devant Hamid Sardar. Iranien, il s’est formé en partie en France et vit et travaille désormais en tant qu’ethnologue aux États-Unis… Et voilà que j’ai compris ce que je n’arrivais pas à saisir : la curiosité scientifique s’ajoute une personnalité artistique, le tout baigné dans un parcours transculturel. Voici donc peut être le secret de la taïga des mongols de Sardar : science et diversité culturelle !