« Moira », le film géorgien de Levan Tutberidze, met en scène une histoire simple et tragique : un jeune homme, à peine sorti de prison, s’endette dans l’achat d’un vieux bateau de pêche pour aider sa famille à s’en sortir. Mais, les choses tournent mal alors que son plus jeune frère se met à fréquenter et que le père est impuissant, cloué sur une chaise roulante et que la mère revient tout juste au pays après une tournée en Grèce comme chanteuse. Impossible de ne pas voir dans ce film le symbole d’une société cassée et sans repères qui cherche à se relever sans y arriver. Triste mais beau, « Moira » qui tire son nom du bateau de pêche, représente l’espoir tout autant que le destin et mérite amplement une place dans cette chronique. D’abord pour la qualité de la photo, les images étonnantes des personnes et des paysages à couper le souffle auraient du convaincre les jurés du prix pour la meilleure photographie de la 63e édition du Festival du cinéma de Saint-Sébastien. Ensuite par sa mise en scène car le film est un hymne à l’unité familiale et à la décence dans un contexte où l’éthique s’effondre.
D’un bateau de pêche de la mer Noire, on se retrouve à Zaatari, un camp de réfugiés syriens en Jordanie. « District Zero » est la preuve qu’on peut faire un documentaire originel et touchant. La caméra de Jorge Fernandez, Pablo Tosco et Pablo Iraburu suivent la vie quotidienne de Maamun Al-Wadi qui gagne sa vie en réparant des téléphones portables. Le téléphone portable contient non seulement la mémoire des réfugiés mais constitue également le seul lien avec leurs êtres chers, restés au pays. Voilà qu’en suivant le travail de Maamun, dans son container transformé en atelier, nous avons l’impression d’entrer en conversation avec eux et de partager leurs sentiments.
Par respect et non seulement par obligation professionnelle, leur message se doit être relayé. Immédiatement affleure la nostalgie de leur vie passée dans une Syrie en paix. Voilà pourquoi, à contre-courant de l’obsédante détestation que l’Europe bien pensante nourrit à l’égard du régime en place du seul pays laïque du monde arabe, on découvre au détour d’une phrase chez les femmes et les hommes de Zaatari le soutien, parfois discret, parfois affirmé pour le gouvernement actuel. Fallait-il pour autant censurer cette parole sous prétexte qu’elle ne correspondrait pas au vœux des chancelleries occidentales ou parce qu’elle aurait été manipulée par le régime ?
Les trois jeunes réalisateurs ont tenu à préciser que les financements de « District Zero » ne venaient pas de Damas mais de l’Union Européenne et que leur seule préoccupation était d’incarner le drame des réfugiés en leur donnant la parole. C’est tout l’intérêt de ce documentaire qui, en bousculant certaines de nos lieux communs, nous obligent à penser la manière dont nous-mêmes sommes informés. La réalité ne peut se réduire aux bons et aux méchants.
La tragédie des réfugiés a toujours existé, mais aujourd’hui elle est violemment à la une ce qu’explique peut être pourquoi les organisateurs du Festival ont lancé un appel à la solidarité avec les réfugiés. Mais, signalons également qu’en même temps, ils ont plaidé pour que la Convention de Dublin, soit modifié afin de ne pas pénaliser les pays riverains.