La violence faite aux femmes est le thème commun de »Happy End » et de La « Voz Dormida » (la voix endormie) deux films venant de latitudes opposées d’Europe.
Film du nord aux couleurs méridionales, Happy End, du suédois Björn Runge traite des femmes battues, véritable plaie mondiale mais qui sévit, contre toute attente, de manière particulièrement virulente dans les pays scandinaves.
Ceci dit, le film de M. Runge ne tourne pas uniquement autour de ce thème. En effet si le réalisateur prend comme point de départ la tragédie d’une femme battue, c’est pour s’en servir comme tremplin pour rebondir et trouver des solutions et celles-ci finissent par arriver de manière inopinée. Ainsi la femme battue se rapproche d’une mère, d’un jeune suicidaire et l’histoire se complique. Le message du film a pour but d’indiquer qu’à chaque moment de la vie pour difficile qu’il soit, il y a la possibilité de faire des rencontre humains qui peuvent aider à nous en sortir. D’où le titre optimiste au fond « Happy End ».
Loin des clairs obscurs et des palettes de gris qui caractérisent l’esthétique nordique, la photographie de ce film suédois détonne de la production locale, et ce n’est pas un hasard. Ulf Brantas, le directeur de la photographie a pu en effet compter sur les conseils de Vittorio Storaro, l’un des grands magiciens de l’image cinématographique qui a tourné avec le splus grands tels Bertolucci et Coppola. « Storaro nous a enseigné à nous déplacer de l’ombre à la lumière et nous a appris la signification du couleur » a souligné le réalisateur. A cet égardHappy End est un film métissé où les personnages des bords de la Baltique interagissent entre eux dans un espace visuel qui évoque la Méditerranée.
La Voz Dormida, La voix endormie, est une adaptation de la part du réalisateur espagnol Benito Zambrano du livre homonyme de l’écrivaine Dulce Chacón. C’est l’histoire de deux sœurs dont l’une se trouve enceinte dans une prison franquiste de Madrid après la guerre civile. La sœur cadette arrive d’Andalousie et finira par prendre en charge le nouveau né. Le film de M Zambrano s’inscrit dans ce courant de la cinématographie espagnole qui explore la douloureuse mémoire de la guerre civile. Il s’agit ici, encore une fois d’un membre de la génération des « petits-fils » des protagonistes du conflit fratricide des plus meurtriers du 20ième siècle en Europe, des gens qui pour le dire comme l’expliquent les Espagnols « sont suffisamment éloigné des faits » et donc ont la distance psychologique pour aborder la thématique sans peur de rouvrir les blessures soigneusement cicatrisées par l’oubli et le non dit des générations précédentes.
La langue de l’époque
A cet égard il est difficile de ne pas comparer La Voz Dormida avec d’autres films du même genre. Heureusement la comparaison tourne à l’avantage l’œuvre de M. Zambrano. Le principal aspect positif est la recherche du langage de l’époque. M Zambrano a réussi à faire parler les protagonistes avec la langue de l’époque. Trop souvent dans les films espagnols qui s’attaquent à la tragédie d’un passé trop récent, les protagonistes parlent la langue de l’Espagne contemporaine et par conséquence la parole qui est supposé rappeler la mémoire perd d’impact. Dans ce sens la récitation et la langue de l’actrice Maria Léon, la sœur cadette ‘Pepita’, fille sans convictions politiques autre que sa dignité, son courage et sa transparence sont remarquables. C’est grâce a ce marqué accent andalou à ses sons aspirés qui rappellent les huit siècles de présence arabe, à la morale que les mots possèdent qui communiquent l’impact d’un catholicisme profond, et au ton chanté aux saveurs gitanes de l’actrice qu’on partage la condamnation du « national-catholicisme » franquiste. Hélas, les sous-titres qui accompagneront le film outre-Pyrénées ne captureront jamais le langage de la jeune Pepita.