La 20ième édition du Festival latino-américain de Biarritz s’est clôturée avec deux émouvants hommages. Le premier, hélas posthume à Jorge Semprún. Le sénateur maire de la ville Didier Borotra a rappelé l’intellectuel et le politique qui a marqué le siècle et l’Espagne. « Semprún est parti sans qu’on puisse lui dire merci » a regretté Borotra. Le second à l’acteur argentin Ricardo Darín, président du jury, à qui le sénateur maire a offert la médaille de la ville de Biarritz. Darín l’a remercié en soulignant l’importance du Festival de Biarritz pour la cinématographie latino-américaine « un festival qui témoigne de l’intérêt et du soutien au monde culturel d’Amérique latine ».
Par ailleurs l’ « abrazo », l’accolade symbolique entre basque et latino-américain, classique prix pour le meilleur film est allé au film Las Acaias du réalisateur argentin Pablo Giorgelli (voire chronique précédente). Ce choix nous semble intéressant parce que dans sa forme et dans la recherche des transformations psychologiques du personnage principal, le routier, il s’agit d’un film anti-hollywoodiens malgré le fait que la route entre la frontière du Paraguay et Buenos Aires nous suggèrent un contexte comparable à ceux des « road movies » américains. La victoire de Las Acacias a fait surtout la joie de l’interprète féminin, la paraguayenne Heba Duarte dont le pays reste encore sans réels cinématographie nationale.
Les prix du jury et de la meilleure interprétation masculine ont été remportés par le film Porfirio et par son protagoniste Porfirio Ramirez Aldana, acteur non professionnel handicapé . Ce film du colombien Alejandro Landes raconte l’histoire de Porfirio un homme réduit à la chaise roulante à cause d’une balle dans la colonne vertébrale tiré par un policier. La caméra suit la vie quotidienne de cet handicapé et sa tentative désespérée d’obtenir justice.
Sans dévoiler l’histoire nous nous limiterons à dire que Porfirio est une histoire réelle qui dénonce un état, dans ce cas le colombien qui ne mène pas à bout sa partie dans le contrat social avec ces citoyens. L’histoire se joue à Florence, ville de la frontière amazonienne colombienne où, clin d’œil au Paris, Texas de Wim Wenders « personne n’a jamais été à Florence, Italie » de dire le réalisateur. Le film Porfirio émeut également par l’humanité de ses personnages, du protagoniste et de ses proches. Ces images du sud nous rappellent pour paraphraser Jean Paul Sartre qu’on ne fait pas de bons films dans des pays rassasiés et sûrs d’eux-mêmes. Porfirio l’illustre éloquemment.
Le prix de la meilleure interprétation féminine est allé à la jeune argentine Paula Galinelli Hertzog, protagoniste du film « El premio », le prix œuvre de Paula Markovic, réalisatrice argentine résidant au Mexique une film qui a également obtenu le prix du syndicat français de la critique du cinéma. El premio est l’histoire d’une gamine de 7 ans qui vit une double vie. Le jour elle va à l’école dans une petite ville côtière battue par les vents de l’Atlantique sud et le soir rentre dans une cabane sur la plage où elle vit avec sa mère qui s y est réfugié pour s’échapper de la répression militaire. Par les yeux et les attitudes d’une enfant, la réalisatrice nous fait découvrir l’autre histoire des enfants argentins nés de militants gauchistes : celle des enfants qui n’ont pas étés séquestrés à la naissance mais qui doivent dès le plus tendre âge cacher leur véritable identité.
L’interprétation de la petite Galinelli est très touchante mais le film mérite quelques précisions puisqu’il permet de boucler la boucle sur la thématique de l’enfance pendant la cruelle répression de la dictature militaire argentine. El premio, en fait, présente la perspective des enfants sans le regard des adultes. Alors que dans d’autres films de mémoire d’enfants, l’angle des enfants est partagé par leurs parents, ici la mère est présente seulement comme une espèce de poids angoissant dans la vie de la fille qui ne sait pas comment s’y prendre. Nous sommes loin des schémas où les enfants sont très voir trop mûrs pour leur âge ; la vertu du « prix » de Paula Markovic gagné par la petite Paula Galinelli est justement qu’ici l’enfant est psychologiquement seul, comme on l’en doute était probablement le ces pour tous ceux jeunes fils et filles dont les parents n’étaient que des simples objectifs à abattre par la dictature.
Le prix du public, est allé au film cubain Boleto al Paraíso (voire chronique précédente), choix que nous saluons puisqu’il indique que la douloureuse trajectoire suicidaire d’une partie de la jeunesse cubaine n’a pas laissé les cinéphiles biarrots indifférents.
Terminons cette chronique avec un regard mérité aux films gagnants de la section documentaire et court-métrages. L’accolade du meilleur documentaire est allée à Abuelos, œuvre d’Equateur signé par Carla Valencia Dávila, un voyage au cœur des montagnes vertes et des paysages arides à la recherche des grands-parents avec encore une fois une fille grandie entre exil et mémoire comme personnage important. La mention spéciale est allée à « El lugar más pequeño, l’endroit le plus petit de Titiana Huezo, l’histoire d’un village du Salvador qui arrive à revivre grâce à l’attachement des habitants à la terre. Un hommage à ceux qui arrivent à se réinventer après un événement terrible comme la guerre civile qui a frappé le petit pays d’Amérique centrale dans les années 1980. Le prix du public documentaire est allé au mexicain El tren de las moscas, le train des mouches, un coup de chapeau aux femmes qui attendent les trains de marchandises du Mexique chargés d’immigrants clandestins dirigés aux Etats-Unis et leur apportent nourriture et boissons. Le documentaire est signé par le basque Fernando Lopez Castillo et par la catalane Nieves Prieto Tassier.
L’accolade du meilleur court-métrage est allée à l’argentin Coral d’Ignacio Chaneto. Le « coral » en question est le serpent le plus venimeux d’Amérique latine porté par une femme comme une arme alors qu’elle demande la réintégration de son mari sur le poste de travail perdu. Le réalisateur a dit vouloir souligner la condition de la femme dans les régions rurales et tropicales d’Argentine.
La mention spéciale pour les courts est allée à Luminaris œuvre d’un autre argentin Juan Pablo Zaramella film qui souligne la vitalité des films d’animation en Amérique latine.
Finalement le prix Shorts TV Numéricâble est allé au colombien MauricioLeiva Cock, pour son film Café con leche, l’histoire triste d’une vache qui ne voulait pas donner du lait à son maitre employé dans un abattoir.