Le Prix spécial du jury du festival international du cinéma de Saint-Sébastien est allé ex æquo’ à Jätten, le Géant, coproduction danoise et suédoise réalisée par Johannes Nyholm et ‘, Hiver, premier long mètrage de l’argentin Emiliano Torres.
Le « géant » de Nyholm est en fait le personnage du rêve d’un garçon nain, qui souffre d’un syndrome inconnu provoquant la déformation des os. Il a été séparé de sa mère célibataire,psychotique. Le jeune garçon a une passion : le jeu de la pétanque ; cela lui permet de trouver sa place. L’histoire, très triste, risque de paraître banale si ce n’était pour l’originalité du choix de la pétanque comme objet cinématographique. « La pétanque n’est pas un sport très cinématographique, elle est trop statique » a reconnu Nyholm « mais la pétanque, quand elle est bien jouée, permet de mettre la balle dans le bon lieu et aussi de changer le point de référence ». Le prix du jury indique que la partie de pétanque a été gagnée pour le réalisateur suédois.
L’hiver de Torres est un portrait approfondi de deux hommes, pasteurs de leur état, dans la solitude des grands espaces de Patagonie; le film s’intéresse à leur lutte pour la survie abordant du coup des thèmes universels comme le travail précaire, la hiérarchie et la dévastation sociale induite par le désengagement économique. Dans ce cas, la mise en retraite du vieux gardien de brebis n’annonce pas le passage de relais d’une génération à l’autre mais la fin d’une époque car les propriétaires ont décidé de reconvertir le ‘rancho’ d’élevage de brebis en pôle d’attraction touristique.
Mais Invierno mérite d’être salué pour une autre raison ; le choix des interprètes parfaitement assumé nous permet d’éclairer un fait historique et culturel peu connu dans cette partie du monde. D’aucuns se surprendront en effet de voir interpréter le vieux pasteur par un homme dont l’allure et la peau claire dénote bien son ascendance anglo-saxonne alors que le jeune a les traits métissés d’un indien guarani. Le cinéaste se serait-il trompé ? Bien sûr que non ! il nous a simplement rappelé que les anciens pasteurs étaient des immigrés du Pays de Galles, dont la langue celte restée vierge de toute contamination, est parfois étudié par les linguistes. Comme l’a souligné le réalisateur « beaucoup des employés des élevages de brebis ont l’apparence de ‘gringos’, mais en fait, ils sont autant ‘gauchos’ et argentins, que les ‘peones’ métis venus du nord du pays, à la frontière du Brésil et du Paraguay. Dans les temps que courent, dans nos latitudes bien plus septentrionales, il nous semble important de relayer avec la force de l’Hiver austral d’Emiliano Torres que l’apparence physique n’est pas d’entrave à l’intégration culturelle.
Signalons également que le prix pour la meilleure photo a également distingué Invierno, grâce au cadreur Ramiro Civita. Prix mérité même si il faut admettre qu’il est difficile de ne pas rester captivé par la rude beauté de la Patagonie argentine.
El hombre de las mil caras »
La coquille d’argent de la meilleure interprétation masculine est allé à l’acteur espagnol Eduard Férnandez, protagoniste de « El hombre de las mil caras » ou L’homme aux milles visages. Le film raconte l’histoire de Francisco Paesa, homme de main des services espagnols durant les année 1980. Corruption, fraude, jeux interdits s’entremêlent dans la vie de ce personnage peu fréquentable dont l’interprétation étonnante et détonnante de l’acteur finit par nous le rendre dangereusement sympathique , métaphore moderne de l’aventure picaresque espagnole. « J’ai essayé de donner un ton ironique à un personnage fascinant mais dont je ne partage pas les valeurs » s’est défendu Alberto Rodriguez, le réalisateur. Le pari est gagné et la coquille d’argent pour Eduard Férnandez le démontre.