Commençons cette chronique dédié aux principaux gagnants de la 64e édition du Festival international du cinéma de Saint-Sébastien avec le Prix du public, à savoir le film, toute catégories confondues, élu par les spectateurs. Le public a voté pour I, Daniel Blake, l’œuvre du vétéran Ken Loach. Un autre laurier bien mérité s’ajoute donc au palmarès de ce film déjà couronné à Cannes. Inutile de rappeler l’histoire des mésaventures kafkaïennes d’un charpentier anglais de Newcastle pour bénéficier d’une aide de l’État après une crise cardiaque et le désespoir d’une mère célibataire qui sombre dans la prostitution pour pouvoir nourrir ces deux enfants. « Nous sommes en train de revenir à l’époque victorienne » à regretté Paul Laverty, collaborateur de longue date de Loach et responsable de la mise en scène du film. A Saint-Sébastien, Laverty a également critiqué les médias qui collent l’étiquette de « cinéma social » sur les œuvres de Loach soulignant qu’il s’agit d’une ruse pour condamner le film à la clandestinité. Le public de Saint-Sébastien en a heureusement décidé autrement.
Du nord au sud, de Newcastle à Athènes. Park, film grec de Sofia Exarchou se déroule dans l’ancien village olympique de la capitale hellénique, tombé littéralement en ruines. Celles-ci inspirent un drame social collectif ayant comme protagonistes les jeunes des quartiers avoisinants, frappés par l’interminable crise qui affecte la Grèce. En athlètes fictifs, les jeunes font semblant de jouer à des disciplines absurdes afin de libérer leurs énergies tout ene vandalisant une peu plus ce qui reste du village olympique. Park est un portrait sans pitié d’une jeunesse perdue. Lucide sans ambiguïté, le film d’ Exarchou met également en lumière un autre aspect de la crise grecque. Il s’agit des touristes d’Europe du nord qui déferlent dans des établissements balnéaires déclassés pour profiter des prix cassés. Ces vieux touristes ne se portent pas mieux que les jeunes grecs, en passant par l’ivresse à des comportements absurdes à leur tour. C’est l’absurdité et les dérèglement d’un système qui vas à vaut l’eau que soulignent l’un et l’autre le « vieux » Ken Loach et la jeune Sofia Exarchou.
Prix de la Jeunesse
Venons au film gagnant du Prix de la Jeunesse, signé par la réalisatrice palestinienne Maysaloun Hamoud, et produit par le prestigieux réalisateur israélien Shlomi Elkabez. Maysaloun Hamoud, a été traduit librement comme « In between » ou « entre deux ». Titre approprié parce qu’il raconte l’histoire de trois palestiniennes qui vivent à Tel Aviv pour diverses raisons. Chacune cherche à s’y tailler une place coincées entre le marteau des exigences politiques, et l’enclume de la méfiance sociale; entre la mer et le fleuve, entre la Méditerranée et le Jourdain. L’une est avocate, l’autre ‘barista’ lesbienne et la troisième enfin est étudiante et fervente croyante musulmane; les trois femmes partagent un appartement dans la ville symbole de l’État hébreu et vivent à fond leurs vies.
Le film aurait pu verser dans la diabolisation prévisible des Israéliens envahisseurs sionistes ou encore dans le conservatisme religieux et social arabe, mais il en est rien, heureusement. Le film de Maysaloun Hamoud présente une jeunesse palestinienne qui échappe aux radars des médias. Il n’est pas étonnant à cet égard que la la consommation des drogues légères soit récurrente dans le film. Ceci n’est pas seulement lié au fait que nous sommes à Tel Aviv, ville célèbre pour son hédonisme et son goût de la fête, mais aussi peut être pour indiquer la nécessité de trouver dans un état second un oasis de paix intérieur.
Ce beau film de la palestinienne Hamoud porte clairement la marque du producteur Elkabez et confirme une tendance que nous réaffirmons : ces films marqués d’une façon ou de l’autre par l’étoile de David sont humainement profonds et artistiquement irréfutables. Il a été impossible de demander au producteur si tous ces films et excellents documentaires qui viennent de son pays sont une forme sublime d’expiation collective du pêché de la « nakhba », ou l’exorcisme d’une politique cruelle, ou encore, suivant l’exemple hollywoodien, de… danser avec les loups alors qu’il n ‘y a plus de loups dans le paysage.
La réponse à ces questions est venue inattendue d’un talentueux réalisateur israélo-panaméen appelé Abner Benaim, dont on parlera dans une autre chronique à propos d’un autre festival : « Non » a affirmé Benaim « il s’agit de films faits par les mêmes gens qui vont les voir… » Dommage.