Des montagnes du Pakistan aux côtes du Sénégal, en passant par les mémoires de l’Angola, les thématiques féminines n’ont pas manqué lors de la dernière édition du FIPA à Biarritz le mois dernier. Nous y consacrons la présente chronique
« Les Nymphes de l’Hindou Kusch » est un reportage sur les Kalasha, une communauté animiste de quelques 4 000 âmes perdue dans les montagnes du Pakistan qui, selon la légende, serait issue des descendants d’Alexandre le Grand. Deux histoires se chevauchent dans cette magistrale coproduction grecque et pakistanaise : d’une part l’histoire d’Athanassious Lerounis, enseignant grec et fondateur de la première école de langue kalasha, séquestré par les talibans et libéré grâce, entre autres à la mobilisation massive de la communauté kalasha ; d’autre part, la voix du documentaire est au féminin et raconte l’histoire de l’émancipation des jeunes femmes de ce village des montagnes.
L’œuvre réalisé par Anneta Papathanassiou parvient à présenter les traits généraux de cette communauté en lutte pour sa survie culturelle tout autant que l’émancipation des jeunes filles. Mais le documentaire a aussi le mérite de ne pas tomber dans la condamnation de la majorité musulmane du Pakistan, réaction qui aurait pu être d’autant plus facile à cause du rapt de Lerounis. Au contraire, le mode de vie de la majorité pakistanaise n’entrave pas la démarche d’émancipation des jeunes femmes kalasha. En effet, l’une des protagonistes de ces hautes montagnes de l’Hindou Kusch, parle avec respect voire affection d’Islamabad, capitale officielle des « pays des purs », – tel étant la signification du mot Pakistan en langue urdu, âme linguistique des musulmans du subcontinent indien – Or une ville où les filles des montagnes apprennent l’informatique à voyager seules en transport en commun et aussi ne peut pas être aussi traditionaliste qu’on peut le croire.
« Le Nymphes de l’Hindou Kusch » est non seulement une autre preuve de la vitalité des sociétés que trop souvent on regarde avec complaisance depuis nos latitudes septentrionales, mais ce documentaire donne de l’espoir à l’égard de la coexistence pacifique entre cultures. Venant du Pakistan, pays qu’on a tendance à réduire qu’au fondamentalisme, le message du film peut briser les discours acquis ; c’est pourquoi il est donc doublement bienvenu.
« Taxi Sisters » réalisé par Teresa Traore Dahlberg, suédoise de souche africaine, est un documentaire qui nous introduit dans le monde des femmes chauffeurs de taxi de la capitale du Sénégal. Elles sont une quinzaine qui ont brisé le tabou d’une profession surtout masculine, non seulement en Afrique, mais dans le monde entier. Devant la camera de Traore Dahlberg, entre les couleurs et le chaos de Dakar, les femmes racontent leur combat pour la parité sur le travail, la lutte contre les préjugés, leurs rêves de bonheur et leurs problèmes personnels. Dans l’effort de ces sœurs du taxi africaines on perçoit non seulement une bataille pour l’émancipation contre une structure patriarcale machiste, mais aussi un embryon de syndicalisme basé sur la solidarité entre femmes. L’œuvre de Traore Dahlberg laisse espérer que les filles et les fils de l’immigration dans les pays d’Europe, mettent leur culture métissée à la recherche d’histoires et d’images.
« Cartas da Angola » ou Lettres d’Angola de la portugaise Dulce Fernandes, part sur la traces des soldats cubains partis faire la guerre en Angola. Nous avons choisi de l’ajouter à cette chronique parce que le regard qui nous est proposé sur l’un des métiers les plus masculins qui soient –les métiers de la guerre– est irrévocablement féminin. En effet la réalisatrice arrive à travers ces lettres de soldats et leur témoignage, à ne presque jamais parler des combats . Un tour de force surtout lorsqu’on connaît la cruauté et l’ampleur des victimes de cette guerre : quatre millions de réfugiés et un demi million de morts. En lieu et place, Fernandes nous entretient d’une expérience différente, celle par exemple de la découverte par les soldats de Fidel Castro des traditions musicales communes entre les cubains de souche africaine et les africains d’Angola. La poésie et l’amour de ces lettres, donnent aux combattants internationalistes de Fidel un ton profondément humain, très loin des mercenaires rouges, image chère à la propagande de la guerre froide.
« Cartas da Angola » est aussi une réflexion intéressante sur la revisitation de ce lien fort que nombre de cultures européennes ont maintenues avec l’Afrique, ce contient des origines. En effet, Dulce Fernandes est l’une de ces milliers des « retournados », les « revenus », ces colons portugais nés ou établis en Afrique et retournés au Portugal après la révolution des œillets de 1974 qui a mis fin à l’époque salazariste et par conséquent a impliqué l’effondrement du dernier grand empire colonial européen. Si ce film cachait aussi la recherche d’une preuve d’amour commune pour l’Afrique chez des combattants internationalistes par une femme issu des colonialistes européens ce serait raté parce que la nostalgie du paradis colonial perdu ne rime pas avec ces mémoires marqués par la guerre. Romantique Dulce Fernandes ? Peut être, un peu mais pas au point d’oblitérer sa recherche de la vérité qui est sincère et … douce, comme son prénom portugais le dit si bien.