« La Grèce est devenue un pays émergent », disait le 13 juin dernier un spécialiste de l’économie sur BFMTV. Une fois de plus on parlait de la crise financière et de la dette grecque. La veille, l’indice des marchés (MSCI) avait affirmé que la confiance n’existait plus, qu’il n’y avait plus guère d’investisseurs pour la dette de ce pays, et l’avait alors dé-classifié.
Quelques précisions : en 2001, pour l’indice MSCI, la Grèce devient un pays développé. Avant, elle était un pays émergent, à l’instar des pays de l’Est ou de l’Amérique latine. Elle le redevient le 12 juin dernier.
En bon français, il y a d’un côté les pays développés, c’est-à-dire riches, et de l’autre les pays en voie de développement, dits « émergents », en route vers la richesse, quoi ! Avant on disait pays pauvres ou sous-développés, mais c’était humiliant pour lesdits pays.
Bon ! Alors, pourquoi émergents ?
Emerger veut dire sortir de la mer, comme la Vénus de Botticelli ou la dernière île volcanique sortie de la mer Rouge en 2011. On pourrait citer aussi le dieu Poséïdon et son trident ou Thétis, la mère du divin Achille. C’est le premier sens du verbe émerger. En découle le second : apparaître, naître.
Le Brésil, la Chine, l’Inde, la Russie, l’Afrique du Sud, les BRICS, (un autre néologisme à dé-construire) sont les plus riches, les plus avancés de ces pays émergents ; ils sont sortis de leur misère incommensurable et apparaissent de plus en plus comme des pays économiquement et financièrement solides bien qu’il y existe encore un seuil de pauvreté important en raison de la démographie et/ou de certains facteurs climatiques.
Il y a 155 pays émergents selon le rapport 2011 du fonds monétaire international.
Mais ce nombre en englobe un autre qui concerne les pays les moins avancés (les PMA). Ce sont les Nations-Unies qui mettent à jour régulièrement cette liste qui contient 34 pays africains, 9 asiatiques, 5 en Océanie et 1 aux Antilles. Ils étaient 25 en 1971. On aura noté la progression des pays pauvres comme si l’accroissement de la richesse planétaire avait contribué non pas à combler mais creuser l’écart entre les plus dotés et les plus démunis.
Ces listes de bon élève au demeurant n’est pas neutre. Les critères sont en priorité d’ordre politico économiques; ils viennent ainsi conforter l’idée que le progrès, dont Rimbaud disait ironiquement qu’il était un enfant chaussé de bottes de sept lieues, est inexorable et que le bonheur se mesure à l’aulne de l’indice des marchés. Plus on consommerait , plus on serait heureux.
Nous savons depuis belle lurette que cette idée est une vue de l’esprit, entretenue par les marchés et les agences publicitaires afin de préserver les marges de profits des plus riches. D’où cette nomenclature, habilement concoctée, pour tracer la voie des sociétés récalcitrantes vers le paradis de la consommation. Car, c’est bien connu, celui qui nomme, est celui qui a le pouvoir !