Bulle d’éternité

Il faut se dépêcher d’aller voir et entendre Un jour on ira à la mer d’Eugène Durif  au  théâtre des 100  rue de Charenton à Paris avec Jean-Christophe Cornier  (musicien) et la participation de Jeanne Perez. Le fil d’Ariane  de ce soliloque à nulle autre pareil  est une phrase arrachée à l’oubli de l’enfance : un jour nous irons à la mer. C’est pour exorciser le doute et le désarroi du foyer que  le père de l’auteur la  répétait, tel un mantra. Naturellement  la petite famille n’ira jamais à la mer. Et le rêve de l’enfant qui se balance, tout heureux,  tenu par la main calleuse du père et celle douce mais ferme de la mère, demeurera un horizon d’attente. Attente que  l’auteur se dépêchera de combler, encore adolescent en se lançant sur la route comme tant de ses semblables. Il y rencontrera une fille dont il se souvient à peine et qu’il aimera  maladroitement comme on aime à cet âge. Toute une époque resurgit alors  avec ses chansons, ses rifs de guitare, ses écrivains fétiches  (Kerouac, Rimbaud…)   et ses chanteurs (Dylan,  … L’auteur ne gêne  pour les citer in extenso  et même  de les chanter avec un accent franchouillard à couper au couteau. Qu’importe !  Cet étonnant collage tient. Et comment ! Loin d’égarer le spectateur, l’enthousiasme bon enfant qui s’en dégage lui confère son unité.  Le ton désabusé mais jamais cynique de Durif n’y est  pas étranger. C’est tout l’art de l’auteur de traverser autant de registres tout en les maintenant à distance. Tour  à tour nostalgique et joyeux, ironique  et dramatique, philosophe et  primesautier,  grave  et déluré, nostalgique et malicieux,  mélancolique et railleur, Durif nous entraine dans le dédale de la mémoire  qui convoque dans sa spirale  tant  d’images  furtives qui la retissent sans cesse :  la dernière scène des 400 coups  de  Truffaut où le jeune Antoine Doisnel voit la mer pour la première fois,  Guido Anselmi, le réalisateur  dans 81/2 de Fellini . Le temps perdu est retrouvé. Un beau moment  théâtral à ne pas manquer. C’est jusqu’au 16 novembre

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