La diversité culturelle ne se résout pas à la seule dimension culturelle, tant s’en faut, c’est aussi et surtout un enjeu économique. Le bras de fer entre Amazon et l’État français l’illustre de façon éloquente.
Le 8 juillet 2014, le Parlement français adoptait la loi « Anti-Amazon » dans le dessein de protéger les acteurs de la filière du livres – auteurs, libraires et éditeurs – contre cette machine de guerre qu’est Amazon. Cette loi interdisait dès alors au géant américain de cumuler la gratuité des frais de port ainsi qu’un rabais de 5% sur le prix des livres. Ce taux représente la marge négociable à la vente pour les détaillants par rapport au prix fixé par l’éditeur. Amazon, qui possède néanmoins plus d’un tour dans son sac, contourne la loi avec impétuosité. Il se dédouane de cette interdiction en établissant ses frais d’envoi à hauteur de 1 centime d’euro ! Les mains déliées, Amazon peut ainsi continuer de pratiquer ce fameux rabais de 5%.
En ce début d’année, la ministre de la Culture, Fleur Pellerin, revient à la charge suite à la commercialisation par Amazon de Kindle Unlimited. Grâce à cet abonnement mensuel, les souscrits auront désormais, gratuitement et sans limite aucune, accès à plus de 700 000 ouvrages libre de droits sous format numérique. Ceci venant ainsi remettre spontanément en cause l’utilité des prix fixés par les éditeurs.
Une question soulevée par le juriste Jean-Philippe Feldman dans sa tribune du 23 février 2015 sur Atlantico apporte une nouvelle approche quant à cette guerre que livre l’Etat français à Amazon : « pourquoi le « régulateur » (les pouvoirs publics) s’est-il condamné à aborder l’innovation comme un problème, plutôt que comme une chance ? ». Il est vrai que dans un pays où le contexte social et économique est très affaibli, la question est légitime et mérite d’être posée. Toujours selon M. Feldman, « la meilleure façon de créer de la valeur, des emplois et des contenus dans la filière culturelle n’est pas de « protéger » coûte que coûte les auteurs au moyen de barrières qui seront inéluctablement emportées par le progrès technologique, mais… de les laisser travailler, créer, et investir de nouveaux champs de production ». En effet, ce système permet à des auteurs, bloqués par le circuit classique de l’édition, de se lancer dans l’autoédition et ainsi de faire connaître leurs œuvres. La théorie de la « longue traine » de Chris Anderson vient ici conforter cette logique. Cette théorie stipule que les produits qui font l’objet d’une faible demande, ou qui n’ont qu’un faible volume de vente, peuvent collectivement représenter une part de marché égale voire supérieure à celle des best-sellers, si les canaux de distribution peuvent proposer assez de choix, et créer la liaison permettant de les découvrir.
La question est donc de savoir s’il faut continuer de voir Amazon comme un monstre, symbole du capitalisme, qui assassine le métier d’éditeurs ou alors comme une opportunité pour les petits auteurs ? A cette question vient s’ajouter une autre question, et pas des moindres, cette diversité exponentielle de l’offre garantie-t-elle une meilleure qualité ?