On a remarqué une importante présence canadienne au festival de Saint-Sébastien de cette année : Atom Egoyan a présenté « Devil’s Knot » ou le nœud du diable, Denis Villeneuve était en compétition avec « Enemy » et hors compétition avec « Prisoners », le dernier film de Jean-Pierre Jeunet (Amélie, Les longues fiançailles) qui a clôturé le festival a été tourné au Canada et produit par des Canadiens.
« Enemy », la première œuvre en anglais du québécois Denis Villeneuve est un film inspiré d’un roman du Nobel portugais José Saramago (Le double). Par le biais d’un rapport entre curiosité et perversion entre deux sosies le réalisateur explore le concept d’identité et ouvre la porte sur un « mystère qu’on n’arrive pas à comprendre ».
Mais Denis Villeneuve était à Saint-Sébastien aussi pour présenter « Prisoners », un thriller qui met à rude épreuve certains personnages après la disparition de deux fillettes dans une petite ville de l’Amérique rurale. « Un film pour nous rappeler qu’il est difficile de juger sans être dans la peau de la victime » d’expliquer son interprète Hugh Jackman, le gagnant du prix du festival dédié à la carrière qui joue le rôle du père d’une des disparues. « Le cinéma est un outil pour explorer des craintes profondes et les voir sous forme de catharsis » a dit M Villeneuve en conférence de presse.
Signe des temps peut être, il semble y avoir une thématique recourant : des enfants victimes de la méchanceté maladive des adultes. D’ailleurs, la dernière œuvre d’Atom Egoyan est basée sur une histoire vraie, le mystérieux assassinat de deux garçons dans le sud des Etats-Unis e la conséquente notoire condamnation de trois jeunes garçons The West Memphis Three Case’ ou le cas des trois de West Memphis) suite au climat de chasse aux sorcières que l’assassinat a déclenché. « Il y a quelque chose de presque surnaturelle au tour de cette histoire » a expliqué Atom Egoyan en conférence de presse, « il s’agit d’un crime clairement non résolu et ce qui me paraissait intéressant était d’explorer comment on peut vivre dans le doute face à l’horreur d’un crime crapuleux ».
Du climat de chasse aux sorcières tragiques du sud des Etats-Unis aux ridicules sorcières basques du village navarrais de Zugarramurdi, il n’y a qu’un pas. Les sorcières de Zugarramurdi est le titre du dernier film de l’espagnol Alex de la Iglesia, un film où se mélangent action et comédie dans un contexte marqué par la présence des sorcières ainsi comme les imagine la culture populaire. En fait dans les mots du réalisateur « le film essaye de divertir les spectateurs en soulignant jusqu’à quel point certains hommes peuvent être stupides et certaines femmes méchantes ». Sans vouloir chercher la petite bête dans la paille des balais volants nous nous sentons obligés car même de rappeler que la plupart de la culture populaire concernant la sorcellerie en Occident est basé sur des infirmations obtenus par les pouvoirs publics et privés de l’époque ou de l’Inquisition par la pratique de la torture sur des femmes sans défenses. Que ça puisse encore servir à faire rire des adultes au XXIe sièclesiècle est hélas, un miroir réaliste de notre temps.
Nous terminons cette chronique finale de la 61-ième édition du Festival du cinéma de Saint-Sébastien avec un hommage à Oliver Stone. Le cinéaste américain était dans la ville basque avec une mission double. D’une part Stone présentait la dernière version de « Alexander : The Ultimate Cut », son interprétation de la biographie d’Alexandre le Grand.
USA : l’histoire inédite
D’autre part le réalisateur américain présentait la série de télévision « The Untold History of the United States » ou l’histoire inédite des Etats-Unis. consiste en 12 épisodes de 59 minutes chacun qui racontent l’histoire politique des Etats-Unis partant d’une perspective de contre-information par rapport aux argumentaires donnés dans l’historiographie officielle. « A’ l’époque de George W Bush en pleine guerre d’Irak, plusieurs américains, dont moi-même, étions scandalisés par le chemin pris par note pays », a confessé M Stone « nous avons donc voulu comprendre comment on en était arrivés là ». « The Untold History »est en fait une courageuse tentative de démasquer la propagande des lobbies et du complexe militaro-industriel qui ont détourné la politique américaine depuis la conquêt des Philippines et surtout après la seconde guerre mondiale.
Inutile de le nier, le film sur le conquérant du monde a un penchant nettement hollywoodien : gros moyens, emphase sur les batailles et même les acteurs choisis pour interpréter les chefs de l’imbattable phalange macédonienne ont un look très anglo-saxon. Entendre l’élève d’Aristote, l’homme du nœud gordien, le vainqueur de Darius, le roi des rois parler anglais avec un léger accent australien peut effectivement être gênant. Mais si on se concentre sur lle message que veut porter Stone à travers son « Alexandre », on y trouve raison de le priser. En fait Alexandre le Grand est transformé par Stone en métaphore d’un impérialiste américain qui se convertit au respect des autres cultures jadis considérées inférieures.
Eloge de la diversité culturelle
Voilà le fond du message d’Oliver Stone: un film fait pour convertir les américains au respect des différences dans le monde ; et malgré l’adage sur la voie de l’enfer, les bonnes intentions devraient être appréciées par principe.
Il y a peut être quelque chose de subliminal et d’autobiographique : lui même Oliver Stone a fait sa guerre en Asie, volontaire dans une unité d’infanterie au Vietnam, lui aussi a vu et compris la complexité du monde et s’est engagé sur le tortueux chemin de anti-impérialisme.
Oliver Stone est un converti aux causes justes, et il est justement pour cela qu’il peut œuvrer efficacement, parce qu’il démontre que changer d’idée sans opportunismes est possible. Des cinéastes comme Oliver Stone on en veut à la tonne.