Voici le second reportage exclusif que notre ami et collaborateur nous fait parvenir de la frontière espagnole. Rappelons que Combats-magazine couvre cette manifestation depuis cinq ans déjà. C’est notre manière de contribuer ainsi à l’approfondissement de la culture cinématographique européenne et mondiale. Nous poursuivrons ce reportage la semaine durant.
« Dans la maison », le dernier film De François Ozon, Fabrice Luchini campe magistralement un prof de lettres de lycée
captivé par le talent de l’un de ses élèves qui écrit sur ses propres expériences et sur celles de la famille d’un camarade de classe. C’est un rôle coupé sur mesure pour Luchini qui excelle à incarner ce prof de lettres aigri qui, sa vie durant, a nourri des velléités pour devenir écrivain sans y parvenir. Son interprétation est telle qu’il pourrait bien remporter le prix du meilleur rôle masculin de cette édition . « L’œuvre veut engager les spectateurs à trois niveaux : le plaisir immédiat, la réflexion et le divertissement ». Le film est un mélange réussi de comédie, de drame et de film de suspense. « Le film parle de la nécessité de créer, parce que la vie réelle ne suffit pas » a dit le dramaturge Juan Mayoraga auteur de l’œuvre théâtrale dont le film s’est inspiré. En effet le film de François Ozon permet à chaque spectateur de construire sa propre réflexion sur ce thème. Le nôtre est de signaler l’intensité de la relation entre les deux personnalités masculines permettant de couvrir les deux rapports fondamentaux entre des hommes de différentes générations, celles du maître-élève et du père-fils. Dans un tournant comme le nôtre où l’éclatement individualiste semble l’emporter sur toute tradition, « Dans la maison » se trouve heureusement contre-courant.
« L’artiste et son modèle » est un film en blanc et noir, réalisé par l’espagnol Fernando Trueba. Interprété entre autres par Jean Rochefort et Claudia Cardinale, le film met en scène un vieux sculpteur vivant dans le sud de la France, non loin de la frontière espagnole pendant l’occupation allemande. Ce dernier rencontre une jeune catalane échappée d’un camp de réfugiés de la guerre d’Espagne. L’artiste, interprété par Jean Rochefort « souffre de dépression ayant vécu la première guerre et se retrouvant en plain dans les effets de la seconde, avec celle d’Espagne juste à coté » a expliqué Trueba « mais l’arrivé de la jeune fille fait surgir un moment magique grâce auquel l’artiste reprend le gout de travailler et de vivre ».
L’intérêt de l’œuvre de Trueba et sa pertinence aujourd’hui est qu’elle permet au spectateur de se poser la question de l’importance fondamentale et vitale de l’art dans la réalité du chaos et de la précarité.
un regard kaléidoscope : sept jours à la Havane
En changeant complètement de genre, de culture et de continent « sept jours à la Havane » est un film où sept réalisateurs se positionnent face à la capitale de le « perle des Caraïbes ». Leur commun dénominateur est la passion pour la chaleureuse sensualité de la culture cubaine et ses gens. Le réalisateur portoricain Benicio del Toro revisite la ville par le biais d’un jeune Américain qui se fait berner par les apparences de la vie nocturne ; Pablo Trapero filme les aléas d’Emir Kusturica venu recevoir un prix ; Julio Medem et Elie Suleiman essayent de façon différente de s’approcher à la réalité des femmes cubaines ; finalement Gaspar Noé, Juan Carlos Tabío et Laurent Cantet s’immergent dans les méandres des aspects moins visibles de la société cubaine, à savoir la persistance de la religiosité africaine qui survit soit sur forme de vodu ou métissé avec le catholicisme.
Difficile de tracer un lien entre les 7 épisodes des « 7 jours à la Havane » si ce n’est que le film salue l’importante capacité des gens de se débrouiller pour faire face aux problèmes d’ordre économique en puisant surtout sur un extraordinaire sentiment d’entraide et de solidarité.