par Robert Scarcia
Ouvrons notre chronique par un regard interculturel sur le récit de jeunes femmes dispersées de par le monde: deux sœurs, d’une part, une fille bulgare dans un bled des Balkans et enfin une Britannique d’origine nigérienne dans la banlieue londonienne. Sestra, La sœur, est le film de la Bulgare Svetla Tsotsorova et « Rocks », le sobriquet de la protagoniste de l’œuvre de la Britannique Sarah Gavron.
Les histoires sont on ne peut plus différents. La jeune bulgare qui travaille avec la mère et la sœur ainée dans un atelier de petites statues en terre-cuite ment comme elle respire et parfois à son détriment mettant en difficulté la vie difficile de son ainée. En cherchant à réparer ses bêtises, elle découvre la vérité sur le passé pas très moral de sa mère.
Rocks, la nigérienne des HLM de Londres essaye de s’occuper de son petit frère après que sa mère les eut abandonnés. La jeune bulgare finira par faire la paix avec sa mère et sa sœur dans une société balkanique en ébullition et la jeune nigéro-britannique se retrouvera en famille d’accueil mais dans l’espoir de retrouver plus tard une autre famille fondée sur la sororité multiculturelle de ses copines. Ces deux films qui mettent en scène deux mères prises dépassés par leurs responsabilités morales et maternelles fait l’impasse sur une question essentielle : l’absence des pères. Les errements de ces mamans ne peut se penser sans les papas. Voilà bien le non-dit qui fait trait d’union entre ceux deux narrations réalisées aux antipodes l’une de l’autre.
Passons à deux autres récit qui s’attaquent à la complexe relation entre parents et enfants. « Patrick » est le premier long-métrage du dramaturge et acteur portugais Goncalo Paddington, le réalisateur retrace l’histoire d’un jeune homme séquestré au Portugal par un pédophile à l’époque où il avait huit ans et qui est retrouvé après 12 ans à Paris. Le jeune homme tente, sans y réussir de se réadapter et termine par se venger. Sombre lumière sur des réseau pédophiles qui chassent leur proies sur les champs de football, où les jeunes garçons jouent…
La hija de un ladron, la fille d’un voleur est le film de l’espagnole Belen Funes qui raconte l’histoire d’une jeune femme de classe ouvrière qui gagne sa vie, pour elle, son bébé et son petit frère comme femme de ménage et dont la vie est mise à l’épreuve par le retour en liberté de son père, un voleur. Le film a ceci de particulier que Eduard Fernandez et Greta Fernandez, sont père et fille dans la vie comme à l’écran, ce qui a permis une « chimie » particulière entre les deux personnages. Mais, le film a interpellé aussi pour une autre raison, le contexte des quartiers ouvriers de Barcelone, ne semble pas de tout touché par le contexte politique qui se déroule en Catalogne depuis quelques temps. « La politique passe en second plan au moment des difficultés de vie de tous les jours » de l’expliquer la réalisatrice Belen Funes. Vrai, peut être, mais le film possède, quand même un atout politique: de présenter une Barcelone, si loin des images touristiques et stéréotypes de la « Ville Condal », et si proche, peut être des gens qui l’habitent pour y vivre et survivre.
Terminons cette chronique en signalant les deux acteurs gagnant des prix pour leurs carrières de cette 67e édition du Festival du cinéma de Saint-Sébastien : Donald Southerland et Penelope Cruz. L’espagnole et le vétéran acteur originaire du Nouveau-Brunswick au Canada ont brillé dans la ville et en conférence de presse. Un seul bémol: The Burnt Orange Heresy, dernier film de Southerland, réalisé par l’italien Giuseppe Capotondi, nous a laissés perplexes, malgré la belle interprétation de Southerland jouant un vieux peintre. Le film est un thriller qui met en scène d’ailleurs aussi Mick Jagger dans le rôle du collectionneur anglais vivant en Italie dans une villa sur les berges des beaux lacs de Lombardie. Pour un pays comme l’Italie dont le cinéma s’est distingué par l’originalité de son esthétique et la pertinence de son réalisme, il y a quelque chose de décadent, voire de colonisé dans un film où tous les protagonistes sont soit Britanniques, soit Américains, les autochtones italiens étant réduits à de rôles de domestiques. On dirait que cette Italie dans de Capotondi reflète l’idée du… Kenya des Britanniques, l’art comme toile de fond au lieu des parcs naturels avec des lions et des éléphants, mais le critiques, le peintre, le collectionneur et la belle blonde aux longues jambes eux sont tous de pure souche Anglo-céltique-saxonne, comme le sont les chasseurs et les guides des parcs d’Afrique… La faute n’est pas de l’acteur Southerland, mais du réalisateur Capotondi… comme le disait le vieux proverbe; » Quand la hache pénétra dans la forêt, les arbres dirent : « Son manche est des nôtres. »