Ouvrons notre chronique en signalant un autre prix de la 69e édition du Festival de cinéma de Saint-Sébastien: la Coquille ou « Concha » d’argent au second meilleur rôle à l’ensemble des adolescents interprètes de « Quién lo impide » de Jonas Trueba. Il s’agit ici une manière de reconnaître une génération d’étudiants des écoles secondaires de Madrid.
La caméra de Trueba cadre ces visages adolescents et les laisse parler de leurs problèmes, leurs espoirs et leurs désirs ; mais plus encore elle les suit dans leurs manifs et leurs rencontres. Quién lo impide ou « Qui l’empêche », « n’est surtout pas un hymne révolutionnaire » a souligné le réalisateur mais une nouvelle tentative pour saisir la jeunesse et ses interrogations. Le film est très long, peut-être trop, plus de trois heures mais touchant sans être pesant. Y émane un mélange de vitalité et de mélancolie qui résonne comme un appel à changer la perceptions d’une génération né au début de cet XXIe siècle.
Nous disions que le fait principal de ce festival est d’avoir révélé un nouveau genre centré sur les femmes en lutte contre la société patriarcale. En fait deux films provenant de Russie vont dans ce sens. Voilà donc deux typologies de jeunes femmes de l’Oural et du Caucase.
Le film Nich’ya, traduit par « unwanted », Indésirable, œuvre première de Lena Lanskih a remporté le prix des nouveaux réalisateurs. Il s’agit de l’histoire d’une fille adolescente dans une petite ville de l’Oural. La jeune Vika, protagoniste du film, se retrouve avec un père policier qui a abandonné la famille, une mère à la limite de la folie et un bébé non désiré. Mais il est impossible de ne pas remarquer que le jeune garçon, amoureux de la fille est prêt à partir avec elle fonder une famille. On ne comprend pas pourquoi la fille refuse, si ce n’est parce que l’homme doit rester en dehors de l’histoire, on dirait presque par parti-pris. D’autre part, cette histoire banale tend à recycler les stéréotypes sur la Russie post-soviétique : c’est à dire une société violente sans repères civiques et à la morale laxiste. Cela dit, Nich’ya a remporté un prix.
Razzhimaya Kulaki, « unclenching the fists » ou « desserrant les poings » est un film d’Ossétie, région du Caucase russe, réalisé par Kira Kovalenko, cinéaste russe, déjà connue sur la scène internationale. Tourné en langue locale ainsi qu’en russe et en géorgien, le film raconte l’histoire d’une fille ayant été otage pendant le déferlement des guerres dans la région. Marquée physiquement et psychologiquement, elle cherche à s’émanciper de la protection étouffante du père et de ses frères.
Passons de l’Oural et du Caucase, à la belle et sauvage sierra andalouse de Cazorla dans la province de Jaen, où un accord entre deux femmes tourne au drame avec « La Hija », la fille, réalisé par Manuel Martin Cuenca. Une couple sans enfants habitant une ferme perdue dans les montagnes en compagnie de deux chiens-loups entrainés au combat, s’engage à faire échapper d’une prison pour mineurs une jeune adolescente et à la cacher et la protéger en échange de pouvoir adopter l’enfant dont elle est enceinte. Pour faire fonctionner ce stratagème la femme stérile fait semblant d’être enceinte lors qu’elle rencontre des gens en enveloppant son ventre de chiffons et de mousse…
Le film tourne à la tragédie lorsque la jeune fille change d’avis et décide garder le bébé. Le film met en lumière une confrontation féroce entre deux femmes où se mélangent conflits de classes, envie mutuelle et désir de vengeance. Le film peut être interprété sous plusieurs angles.
Tout d’abord, un thriller original et captivant avec une conclusion sanglante comme il se veut au pays de la corrida. D’autre part, il est difficile de ne pas voir dans le combat qui se font les deux femmes, un duel qui pourrait rappeler des films western où on ne distingue plus qui est le bon et qui le méchant. Le mari de la femme stérile, l’homme dans l’histoire est un simple instrument. Pas plus. Signe des temps de cette 69 édition du Festival de Saint-Sébastien.