Par Robert Scarcia
Le film brésilien Pacificado a remporté la Coquille d’or du meilleur film de la 67e édition du Festival International du cinéma de Saint-Sébastien. L’histoire raconte l’amitié entre un adolescent et un trafiquant, tout juste sorti de prison. Pacificado est la seconde oeuvre de Paxton Winters, réalisateur américain résidant au Brésil et le film est un hommage au Morro du Prazeres, une favela de Rio de Janeiro et aux personnes qui l’habitent. Le film rafle également le prix de la meilleure cinématographie et du meilleur rôle masculin, obtenu par Bukassa Kabengele. Le message d’espoir dans un monde de violence et désespoir est clair et parle à tous les latino-américains réunis dans la ville basque. Impossible de critiquer les bonnes intentions et le courage de l’équipe si l’on tient en compte le contexte et la difficulté du tournage qui s’est trouvé d’ailleurs parfois entre le tir croisé des bandes criminelles régnant dans le quartier.
Le prix spécial du jury est allé à Proxima, une œuvre franco-allemande réalisé par la française Alice Winocour qui porte un regard inédit sur le monde des astronautes au féminin. Une femme astronaute tiraillée entre sa passion du travail et ses responsabilités de mère. Tourné dans plusieurs pays, allant de la Russie au Kazakhstan, Winocour a voulu que son film soit un hommage à la recherche spatiale européenne et aux femmes qui se battent pour leur juste place dans des professions encore majoritairement masculines.
Le prix pour le meilleur réalisateur et la meilleure mise en scène sont allés à un film « basco-andalou », La Trinchera infinita, (La Tranchée infinie), réalisé par l’équipe basque de Aitor Arregi, Jon Garano et Jose Mari Goenaga. Il s’agit de l’histoire d’un « topo », une taupe, mot qui en langue espagnole se réfère à ceux qui se cachaient pendant et après la guerre civile. Dans un village sans véritable identité, une espèce de Macondo (comme dirait Gabriel Garcia Marquez) d’Andalousie, le protagoniste, interprété par le populaire acteur espagnol Antonio De La Torre se cache en 1936 et sort de sa planque après 33 années de vie cachée. les réalisateurs dédient ce film à toute les personnes qui pour raisons différents ont peur dans une époque comme la nôtre » et pleine d’incertitude.
Le prix de la meilleure interprétation féminine est allé ex-aequo à l’espagnole Greta Fernandez, la protagoniste de La fille du voleur (voire chronique précédente) et à la norvégienne Nina Hoss, l’interprète de la prof de violon du film The Audition, (l’audition). Le film réalisé par la berlinoise Ina Weisse raconte l’histoire d’une femme obsédée par le talent de l’un de ses élèves et termine par se concentrer sur ce dernier plus que sur sa propre famille.
Une constatation s’impose: le cinéma tourne au féminin. Si nous considérons les thématiques des films primés, la astronaute de Proxima de la française Winocour, la violoniste de « L’audition » de l’allemande Weisse, la jeune femme de ménage de « La fille du voleur » de l’espagnole Belén Funes et le rôle fondamentale de la femme de l’homme caché en Espagne pendant 33 ans, interprété par Belén Cuesta, on voit que le seul fil en commun entre ces caractères est d’être des femmes, au-delà de la langue, la culture, la classe sociale et l’espace où elles œuvrent qui diffère radicalement. Il ne s’agit pas ici de donner un jugement de valeur, mais de souligner que le cinéma nous donne un portrait d’une société où les femmes prennent une place de plus en plus important.
Reste à comprendre ce qui restera des hommes…
Suivant le fil de cette question, un film russe qui n’était pas en compétition, mais qui avait déjà fait ses épreuves au Festival de Cannes en gagnant le prix du meilleur réalisateur dans la section « un certain regard », nous donne une indication inquiétante. Il s’agit de Beanpole (une femme de très grande taille) d’un jeune réalisateur homme et russe, Kantemir Balagov. Sans dévoiler l’histoire pleine de métaphores éloquentes et qui se joue dans la dévastation de la ville de Leningrad du premier automne après la guerre, nous nous limitons à remarquer le rôle des trois personnages masculins de ce film, dont on le souligne, le réalisateur est un homme: un héros de guerre blessé qui veut mourir et obtiendra son euthanasie, le colonel médecin, chef de l’hôpital de camp qu’on pourrait définir un « donneur de sperme », puisque on lui exige qu’il fasse sa part physiologiquement nécessaire pour mettre au monde un enfant, et le jeune fils de la haute bureaucratie du Parti, qui ne pense qu’a baiser…. Tout est dit: pas de place pour l’héroïsme masculin, reste de de la place pour la nécessaire fonction de reproducteur de l’espèce ou pour faire le pitre en courant les jupons.
On est mal barrés… les gars !