Le jury du Festival International des Programmes Audiovisuels présidé, dans la catégorie des Documentaires de Création, par la réalisatrice portugaise Inês de Medeiros a adjugé le FIPA d’or à l’œuvre belge « L’île déserte » de Steve Thielemans. C’est l’histoire d’un jeune d’origine africaine qui cherche se débat avec des problèmes de drogue, de pauvreté et de manque de confiance en lui. Le film souligne le manque de capacité des services sociaux et des proches pour aider le jeune homme à s’en sortir. Un film, hélas trop fidèle à la situation de l’Europe actuelle.
Le FIPA d‘argent dans cette même catégorie est allé à « The Kingdom of Edhi », une production hispano-belge signée par la réalisatrice Amélie Saillez. Celle-ci porte son regard sur les femmes en difficulté au Pakistan par le biais du combat d’une couple qui ont créé un réseau d’assistance pour quelques 4 500 femmes, la Fondation Edhi.
Les violences conjugales, les mariages forcés, en passant par les tentatives des jeunes prostituées de s’extirper des réseaux de proxénétisme constituent le quotidien de ce réseau et la face cachée du miracle indien. Abdul Sattar Edhi et sa femme Bilquis expliquent la philosophie d’une initiative sociale et humanitaire qui ne reçoit aucune subvention d’organisations des gouvernements. « Seuls les dons de charité sont acceptées» explique Edhi en soulignant que « les classes aisées du Pakistan ne l’aident pas », lui qui s’est vu accuser par le fondamentalistes du pays d’être communiste « pour aider des femmes issues des minorités chrétiennes et hindouistes comme les musulmanes ». « Le Royaume d’Edhi » révèle à un public occidental bien plus qu’une Nieme action humanitaire. Ce qui saute aux yeux blasé d’occidental, c’est le courage et la liberté avec lesquels le roi et la reine de cet oasis pour femmes en difficulté critiquent le système non seulement au niveau locale mais aussi dans la globalité. En effet quand le petit-fils de M Edhi qui aspire à être comme son grand-père lui dit qu’il veut aller étudier à Oxford ; il sefait répondre : «N’y va pas, c’est une école pour des capitalistes », répond le grand-père.
Une mention spéciale est allée aux « fils de la terre » d’Edouard Bergeon, réalisateur français qui concentre sa caméra sur le désespoir social et humain du paysan aujourd’hui. En effet, « Les fils de la terre » va au delà du scandale de la dégradation des condition de travail des paysans. Ce documentaire est aussi une sorte de journal intime par lequel le cinéaste cherche à comprendre son propre père paysan qui se suicide, étranglé par les dettes. « Les fils de la terre » est une œuvre courageuse qui ne mâche pas ses mots pour dénoncer la mort annoncée d’une culture paysanne , socle de notre civilisation. Mention spéciale ? Mieux que rien de tout, mais étant donné la force des images et des dialogues, l’épaisseur des personnages, l’actualité des enjeux, on aurait espéré mieux.
Brian Lapping, réalisateur britannique, et président du jury, a ouvert le bal des prix de la catégorie des Grands Reportages en énonçant ses réservex à l’égard des films sur lesquels il était appelé à porter un jugement. Trop de « conformisme » pour m. Lapping ; ce qui explique peut être pourquoi il a donné le FIPA d’or à l’israélienne Naomi Levari, réalisatrice de « B’nei Dodim La’Neshek » ou « Cousins d’armes », jeu de mots évident sur le terme frères d’armes. Il s’agit de l’histoire d’un jeune arabe, citoyen d’Israël, qui s’engage comme volontaire dans l’armée… israélienne. Le film suit le jeune soldat qui défie les accusations de trahison. Fau-il voir l’exemple d’une intégration enfin réussie entre cousins ennemis dans ce micromonde que constitue l’armée ? Voire le modèle trop rare d’une réconciliation que l’on pourrait transposer à la grandeur d’une société ? Pas sûr , « Cousins d’armes » nous semble plutôt un hymne à la collaboration. Le jeune arabe évoque davantage l’incarnation d’un rêve sioniste : des arabes qui appuient l’Etat juif en étant fiers d’être arabes, même Oncle Sam ne serait pas capable de faire mieux ! Le jeune soldat arabe semble en fait rappeler en version moins sanguinaire l’inquiétant protagoniste de l’œuvre magistrale de Louis Malle « Lacombe, Lucien », ce jeune français au service de la police allemande pendant l’occupation. Quant à l’emphase sur le mot « cousins » dans ce contexte spécifique, on croirait entendre les voix des anciens combattants de la Division Charlemagne partis se battre sous les étendards de la croix gammée pendant l’attaque contre Leningrad et la dernière défense de Berlin. Eux aussi voyaient dans la filiation germanique des Francs les raisons d’une alliance franco-allemande.
Brain Lapping a peut être raison « Cousins d’armes » n’est pas « conformiste », mais si l’anticonformisme devait aujourd’hui se transformer en panégyrique de la trahison de la dignité nationale, c’est un prix trop cher. « Cousins d’armes » a été le seul film israélien primé ; dommage, car il y en avait d’autres qui valent beaucoup mieux et dont on aura occasion de parler dans les prochaines chroniques.