Cette année le Fipa a mis en avant le Brésil, pays de la diversité culturelle s’il en est, et qui connait un important développement de son secteur audiovisuel. Sa production documentaire est éloquente à cet égard.
Nous commençons cette chronique par un focus non sur un film brésilien mais sur une œuvre catalane qui parle éloquemment du Brésil : Descalç sobre la terra vermella ou Pieds nus sur la terre rouge. Il s’agit d’une œuvre de fiction inspirée par la vie de Père Casaldaliga, le prêtre de la théologie de la libération qui a signé par sa présence et son combat la terre rouge du Mato Grosso. Réalisé par Oriol Ferrer le film a obtenu le Fipa pour la meilleure musique originale et la meilleure interprétation masculine (Eduard Fernand). Disons d’emblée que le film dispose de l’interprétation de Sergi Lopez dans le rôle bref mais puissant de Mgr Ratzinger, le père fouettard des prêtres rouges d’Amérique latine.
Si cet hommage au combat pour la justice sociale qui honore une église militante proche du message originel de l’Evangile est bienvenu, on peut néanmoins marquer une réserve sur l’expression de cette virulente opposition. Détail qui n’échappe à ceux qui connaissent les lieux et les populations pauvres d’Amérique du sud. En exprimant leur outrage aux injustices et aux hypocrisies de l’Eglise, les paysans brésiliens sans terre apparaissent paradoxalement cousins des anarchistes catalans des années 30 que des habitants de ces contrées au silencieux désespoir. En d’autres mots, les réactions d’indignation vis-à-vis les abus des puissants s’expriment de façon différente selon les cultures. Ces pieds nus sur la terre rouge illustrent, hélas, la difficultés de transposer nos représentations : l’occidental qui essaie de représenter la révolte, la réinterprète selon ses propres réflexes culturels et non de ceux des protagonistes originels.
O Mestre e o Divino, le Maître et Divino du brésilien Tiago Campos est complémentaire du film catalan. Le documentaire raconte l’histoire de Adalbert Heide, un missionnaire salésien allemand qui fut le premier à étudier et évangéliser les indiens Xavante des mêmes régions du Mato Grosso dans les années 50. Le film évoqué également sa relation avec Divino, un indien à qui le maître avait enseigné à utiliser la caméra pour filmer les rituels de la culture Xavante. Cet hommage au père missionnaire est sans doute moins politique mais souligne l’apport culturel du Père Heine qui a appris la langue Xavante, a écrit et standardisé sa grammaire et y a traduit les Évangiles.
Em busca de Iara ou A la recherche d’Iara est le documentaire des brésiliens Flavio Federico et Mariana Pamplona qui part à la recherche d’Iara Iavelberg, la compagne du chef guérillero Carlos Lamarca tombée pendant la répression que le régime militaire du Brésil a imposé contre les opposants de gauche des années 70. Le film relate l’histoire de cette victime de cette guerre sale et réfute la version officielle du suicide pour découvrir qu’Iara Iavelberg avait été bel et bien assassinée en 1971 à San Salvador de Bahia. La recherche d’Iara s’inscrit dans un courant en pleine expansion en Amérique latine : des jeunes cinéastes qui veulent faire toute la vérité sur le passé des dictatures. Le fait que Mariana Pamplona la coréalisatrice soit la nièce d’Iara Iavelberg y ajoute une touche personnelle qui ne peut qu’aller au cœur des spectateurs.
Terminons cette chronique avec O Samba, Le samba, du suisse Georges Gachot. Par l’intermédiaire du compositeur et chanteur Martinho da Vila, le réalisateur suisse entend dépasser les cliches pour se pencher sur le monde de la samba pour y voir comment cette danse est vécue dans le quartier de Vila Isabel à la périphérie de Rio. Pari gagné, le samba de Georges Gachot et Martinho da Vila parle de souffrance du quotidien avec une joie de vivre perdue sous nos latitudes septentrionales.