FIPA : entre exil et migration, le rêve et les désillusions

tibet

Robert Scarcia.
L’une des spécificités du Fipa est que chaque année des jeunes d’Europe sont sélectionnés pour composer le Jury. Initiative fort intéressante parce que cela permet de comprendre ce qui parle aux jeunes. Cette 27e édition du Fipa a vu ce jury des jeunes se prononcer pour Bringing Tibet Home, un reportage de Tenzing Tsetan Choklay qui raconte l’histoire de l’artiste tibétain exilé à New York Tenzing Rigdol et de son idée de réunir au sens propre les Tibétains en exil en Inde à leur terre du Tibet. L’artiste exilé parvient  donc à introduire clandestinement en Inde 20 tonnes de terre tibétaine.
Le film suit donc l’Odyssée de la terre tibétaine du passage de la frontière du Tibet occupé au Népal dans des sacs en plastique portés sur les épaules jusqu’à l’arrivée en camion à Dharmsala en Inde, résidence du Dalai Lama. Le réalisateur a dit qu’il voulait raconter la souffrance des tibétains en exil et, détail éloquent, il a signalé avoir été interviewé aussi par la télé chinoise et a souligné que le régime chinois n’a pas réagi à la sortie du film. Mais l’œuvre de Tsetan Choklay est aussi un hommage à l’artiste Rigdol, peut être le plus connu des peintres tibétains en exil. Ce qui nous interpelle est le fait que les jeunes ont été touchés par la souffrance des exilés et leur recherche d’établir un contact avec leur pays d’origine.

De la recherche du pays d’origine à la recherche de l’histoire du père. La Révolution, mon père et moi est un film d’Ufuk Emiroglu une réalisatrice turco-suisse qui part à la recherche de l’histoire de son père, un ancien combattant engagé dans un processus révolutionnaire en Turquie des années 70 qui fini réfugié en Suisse avec sa femme et sa fille, la réalisatrice.
Tout au long du film, on voit jusqu’à quel point la fille immigré a besoin de comprendre l’histoire du père pour entendre sa propre identité, un rappel cinématographique en forme de documentaire où passé et présent ne sont pas des compartiments séparés. Le voyage en Turquie de la jeune turco-suisse est marqué par le contraste entre ses mémoires des histoires du combat révolutionnaire du père et la réalité contemporaine du pays : la plage de la ville d’Antalya où le père clandestin se baignait pour se laver, en ne laissant jamais ses armes, est aujourd’hui privatisée à l’usage des touristes ; l’usine des textiles jadis théâtre des grèves héroïques est  fermée, la production ayant été  transférée en Asie orientale…
Mais ce documentaire offre aussi un regard sur la fille immigrée qui veut s’intégrer dans le pays d’accueil et ainsi se retrouve à être plus royaliste que le roi, ou plus suisse des suisses de souche. « Alors que mes amis voulaient imiter les Américains pour être Américains, moi je voulais être Heidi la petite suisse… » dit elle.
Et voilà le revers de la médaille révélé. L’identité immigré se nourrit autant de recherche des racines d’origine que de volonté d’appartenance au pays d’immigration et dans les deux cas se retrouve confronté à un décalage de fond. D’une part, la Turquie contemporaine n’est plus la terre des combats du père, de l’autre la turque qui veut être suisse se retrouve avec des Suisses qui veulent être américains!  Ni l’une chose ni l’autre donc…. Décalage par rapport au vieux pays et au nouveau. Ce que nous retenons de cette histoire est le défi de tourner ce décalage en atout.

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