Parfois le cinéma peut contribuer à un débat de société à l’égard des évènements quotidiens ou des décisions politiques. C’est dans cet esprit que nous souhaitons consacrer cette chronique à deux films présentés au dernier Festival International des Programmes audiovisuels de Biarritz.
Alors que les derniers attentats contre le contingent français en Afghanistan et des annonces de la part de hauts responsables des Etats-Unis relancent une fois de plus un retrait anticipé des forces armées coalisées, « Les larmes du seigneur afghan » de la belge Pascale Bourgaux vient à point nommé pour nous éclairer à cet effet.
D’autre part, la condamnation à perpétuité de « Duch », l’un des plus notoires tortionnaires du régime des Khmer rouges, permet d’évoquer « Brother Number One » Ce film réalisé par Annie Goldson suit un citoyen néozélandais dont le frère avait été assassiné par « Duikh » en Cambodge lors de la terreur instauré par le régime de Pol Pot.
« Les Larmes du seigneur afghan » est un film qui brosse le parcours politique de Mamur Hassan, notable du village de Dasht-e-Qaleh dans le nord de l’Afghanistan. Hassan, ancien dirigeant des moudjahiddin antisoviétiques est également un adversaire farouche des Taliban, comme l’était son ancien chef militaire le Commandant Massoud assassiné, comme l’on sait, par des militants Taliban à la veille du 11 septembre 2001.
Le film pourrait se résumer à la chronique de la fin du règne d’un seigneur féodal afghan pris entre l’arbre et l’écorce. En effet d’une part, il y a une intervention militaire étrangère insouciante des conditions matérielles de la population et ignorant sa culture, et de l’autre, la pression des Taliban se faisant utilisant pour le manipuler le patriotisme et l’honneur pour nourrir la résistance contre l’Occupant. Le mérite du film consiste toutefois à nuancer ce constat élémentaire, par la mise en évidence d’un fait moins connu en Occident : à savoir la talibalisation des dirigeants locaux pour s’accrocher au pouvoir. En paraphrasant Garcia Marquez, le titre du film aurait pu être « la chronique d’une défaite annoncée », la défaite c’est bien sur celle des Occidentaux de l’OTAN, mais aussi celle d’un espoir d’un Afghanistan de-féodalisé.
Chronique d’une défaite annoncée
Passons de l’Afghanistan au Cambodge, en d’autres mots de la plus longue guerre jamais entreprise par les Etats-Unis, à l’un des plus féroces massacres oubliés du XXe siècle. « Brother Number One » suit le voyage du néozélandais Rob Hamill venu témoigner au procès des Khmers Rouges au nom de son frère assassiné dans le camp de la mort de Tuol Sleng en 1978. Le responsable de ce camp était nul autre que le notoire Duch. Le film est une recherche du frère aîné, parti en voilier « faire le tour d’Asie » et dont la disparition a marqué la vie de Hamill et de toute sa famille. On peut questionner, avec tout le respect qu’on doit la à la famille Hamill et à souffrance, l’inconscience de ce néo-zélandais venu faire de la voile sur les côtes de Cambodge alors que le pays était sous l’emprise de Pol Pot. Cette ignorance qui reflète hélas trop bien une certaine insouciance occidentale à l’égard du « tiers monde » laisse pantois. Il est vrai que personne hors Cambodge (sauf peut être les dirigeants chinois) savait ce qui se passait sous le règne des Khmer Rouges ; mais soyons francs, qui pouvait ne pas soupçonner que les étrangers n’éta
Plaidoyer contre la torture
L’originalité du « Brother Number One » est ailleurs, et mérite d’être souligné parce qu’elle apparait avec toute sa force quand le protagoniste du film lit les rapports sur les « confessions » de son frère Kerry obtenues par ses tortionnaires. Rob Hamill sait interpréter les « confessions » de son frère, et explique comment des noms et des lieux liés à leur enfance, se transforment en agents recruteurs, chefs d’agence et lieux d’entrainement de… la CIA ! Cette partie du film révèle ce qui se passe dans la tête d’un homme désespéré par les effets de la torture et prêt à révéler n’importe quoi pourvu que le supplice cesse. Il est troublant de mettre en parallèle ce témoignage avec les propos de ceux qui, dans certains milieux, cherchent à justifier la pratique de la torture. Dans ce cas « Brother Number One » peut devenir, on l’espère, une preuve de plus pour ceux qui se battent contre la pratique de la torture dans le monde et l’odyssée de Rob Hamill en Cambodge aura servi bien plus qu’à la quête de justice pour un frère ainé assassiné.