Choisir , c’est élire mais le jury parfois n’a pas la perspicacité de détecter et de récompenser des oeuvres qui le méritent. J’en veux pour preuve deux films qui n’ont pas été primés lors de la 64e édition du Festival de cinéma de Saint-Sébastien : « Eidurinn/Le serment » et « Ikari », la colère. « Le serment » est l’œuvre de Baltasar Kormakur, directeur scénariste et acteur principal d’un film qui raconte la descente aux enfers d’un respectable chirurgien lorsque sa fille tombe amoureuse d’un petit trafiquant de drogue.
Il s’agit d’un beau thriller dans la tradition scandinave, « c’est à dire une histoire immergée dans une problématique sociale » a expliqué Kormakur. En fait, au delà de l’histoire de sang et d’homicide avec un final ouvert, le film ouvre une fenêtre intéressante non seulement sur l’argument fort débattu maintenant, d’une « masculinité en crise qui n’arrive qu’a s’exprimer qu’à travers la violence » dans ce cas entre le père et l’amant de la fille, mais aussi sur la thématique parallèle et plus subtile. D’une part, coté fiction du film, le père protagoniste du film se trouve entre deux femmes fortes, sa chef au travail et la commissaire de police ; de l’autre, coté réalité sociale, Hera Hilmar, l’actrice qui incarne la fille protagoniste a parlé « des pressions de société » subis par les jeunes femmes d’aujourd’hui et qui commencent « à être dénoncées en Scandinavie et au Royaume Uni : il faut être et se comporter d’une certaine façon pour ne pas paraître une pauvre loser (perdante) », a-t elle souligné « donc pour être ‘cool’ et à la mode le comportement à suivre comporte des glissements difficiles à rattraper ». Quoi faire, donc, quand la criminalité rentre dans la propre maison et par le biais de l’être le plus chéri au monde? est la question à laquelle « Le sermon » islandais de Kormakur essaye de répondre par l’angle d’une prise en main radicale et un final énigmatique.
« Ikari », ou La colère est un petit chef d’œuvre du réalisateur japonais Sang-Il-Lee, avec comme protagoniste le fameux acteur nippon Ken Watanabe. Trois histoires parallèles autour d’un jeune urbain branché et homosexuel, une fille de pêcheur orpheline de mère, et d’un cuisinier vagabond; ces récits se se déroulent indépendamment dans un arrière-fond commun marqué par la peur collective due à une obsessionnelle recherche de la part de la police d’un tueur en série et dans le contexte oppressant et violent de la présence de base militaire américaine d’Okinawa.
Acteur et réalisateur ont expliqué le choix du titre en disant « que la colère est ressentie par les protagonistes contre eux mêmes par le manque de confiance vis-à vis de leurs respectifs proches qu’ils suspectent d’être nul autre que le tueur en fuite ». Dans « La colère » japonaise de Lee Sang-Il donc, la thématique classique de l’honneur brisé comme élément déclencheur de souffrance est remplacé par le manque de confiance en autrui.
Terminons ces chroniques sur la 64e édition du Festival international du cinéma de Saint-Sébastien en saluant les acteurs américains Ethan Hawke et Sigourney Weaver, gagnants des prix de la carrière, et l’acteur mexicain Gael Garcia Bernal, gagnant du prix Jaeger-LeCoultre pour le cinéma latino-américain. Coup de chapeau final à un autre acteur fameux, Richard Gere jouant un sans-abri dans son dernier film « Time out of Mind ». Le film a été présenté par l’acteur en compagnie d’une organisation caritative espagnole et le maire de Saint-Sébastien en une initiative médiatique en faveur des sans-abri.