« Sparrows », une coproduction islandaise, danoise et croate du réalisateur islandais Runar Runarsson remporte la Coquille d’or, premier prix de la 63e édition du Festival International du Cinéma de la ville basque. Le film primé raconte l’histoire des aléas d’un adolescent parti rejoindre son père divorcé dans un petit village du nord de l’Islande où règnent l’alcool et la violence. Le réalisateur a confessé qu’il a essayé de faire du « réalisme poétique » en ajoutant un touche d’humanité à la description des difficultés sociales et de communication entre un père et un fils qui se cherchent sans se trouver. L’histoire en soi peut paraître banale, mais c’est compter sans la photo éblouissante de ces paysages vides et majestueux du nord de l’île à seulement 200Kms de la côte de Groenland et l’incroyable lumière du solstice d’été que l’on dirait éternelle. Le réalisateur remporte son paro qui a séduit avec raison le jury présidé par la suédoise Paprika Steen et composé d’une nombreuses personnalités dont l’indienne Nandita Das aux italiens Uberto Pasolini et Luciano Tovoli en passant par l’argentin Hernan Musaluppi, l’espagnol Daniel Monzon et la française Julie Salvador,
Passons d’une île à l’extrémité de l’Atlantique nord à une île tropicale, jadis « perle des Caraïbes ». La Coquille d’argent de la meilleure interprétation féminine est allée à l’actrice cubaine Yordanka Ariosa, formidable protagoniste du « El rey de la Habana », le roi de La Havane, un film espagnol tourné en République Dominicaine qui raconte l’histoire d’un jeune cubain qui s’échappe d’une prison pour mineurs. « Ce film n’est pas une tragédie grecque par le sexe » a tenu a souligner d’emblée le réalisateur Augusti Villalonga ! La mise à point en conférence de presse s’imposait pour aller au delà des scènes où se mêlent de multiples relations érotiques et de prostitution homo et hétérosexuelle. Le « roi » de la Havane est en fait un fresque de la Cuba des années 90, les années dits de la « période spéciale » lorsque l’île a du faire face toute seule aux effets catastrophiques de la dissolution de l’Union soviétique. Elle brosse le portrait de trois personnes obligés de survivre dans un contexte d’extrême pauvreté .
Heureusement le film évite le piège de servir de relais à la propagande anti-castriste. La solidarité de la nation est très bien montré à l’arrivé d’un ouragan et le mythe de l’Occident est vite redimensionné par le témoignage tragique de l’un des protagonistes qui a fait l’expérience directe d’une Europe brutale avec les faibles. « Je dédie ce prix à l’esprit de mon archipel cubain » a dit l’actrice primée. On est tenté de répondre à Yordanka Ariosa que cet esprit là mérite bien plus qu’une coquille d’argent.
Disons tout d’abord que le « Truman » de cette chronique n’est pas le nom d’un président des États-Unis, mais d’un chien, et le titre du film qui a permis au duo composé par l’argentin Ricardo Darin et l’espagnol Javier Camara de gagner ex æquo la Coquille d’argent de la meilleur interprétation masculine. Choix juste, parce que les deux hommes étaient en symbiose parfaite. Réalisé par l’espagnol Cesc Gay, le film raconte l’histoire d’un homme atteint du cancer qui refuse le traitement médical et d’un ami qui essaie de le suivre dans cette décision. Un film sur la mort, Truman ? Plutôt un plaidoyer indirect pour l’euthanasie ? « Non », a répondu Ricardo Darin en citant les mots d’un fan qu’il a trouvé sur twitter : « je suis allé voir un film sur la mort et j’ai appris beaucoup sur la vie ». Mais Truman est aussi un hommage sans complaisance à tous ceux qui accompagnent leurs êtres chers atteints de maladies graves.
La Coquille d’argent pour le meilleur réalisateur est allé au belge Joachim Lafosse réalisateur des « Chevaliers Blancs », une fiction inspiré par une notoire fait divers qui a marqué la chronique française, il y a quelques années : l’affaire de « l’Arche de Zoé ». L’histoire du film, tourné au Maroc avec une communauté de tchadiens, se devine: une ONG veut faire passer en France 300 enfants du Tchad pour les faire adopter, puis l’affaire tourne mal : les « chevaliers blancs » mentent pour légitimer leurs actions et le film montre les conséquences de leurs mensonges. L’œuvre de Lafosse est une invitation à réfléchir sur la question du « droit d’ingérence » et de comprendre « à partir de quand les bonnes intentions deviennent des fiasco ». Le film de Lafosse est également un plaidoyer pour que « l’aide internationale soit organisé politiquement et non pas par des initiatives privés », un rappel que « la politique rationnelle est parfois l’acceptation d’une impossibilité ». Bref, non à « la dictature des émotions » provoquée par des images dramatiques.
« Les Chevaliers Blancs » serait donc un film avec un message politique fort ? Pas si sûr, du moins si on s’en tient aux propos du cinéaste qui n’a pas voulu se prononcer sur les ONG, » un monde qu’il ne connaît pas » mais cibler le « narcissisme des personnages qui savent mieux que les autres ce qui est bien pour les autres ». Ceci dit , le film reste un film courageux même si réalisateur a voulu amoindrir son propos en faisant montre de bonnes intentions,
Le Prix du Jury est allé au film « Évolution » de la française Lucile Hadzihalilovic. Cette production française, belge et espagnole met à l’écran une mystérieuse île habitée que par des femmes et de jeunes garçons sont soumis à des mystérieux traitements médicaux. Bien que les images, tournée les plages volcaniques des îles Canaries, soient magnifiques, , on se demande pourquoi le jury a voulu distinguer ce film qui, de l’avis même de la cinéaste, « est un film d’émotions ». Mais des émotions sans histoire, ni contexte qui tournent à vide. Les secrets des dieux sont pas à la porté de la main des mortels, disaient les anciens, ceux des décideurs du Prix du Jury de la 63e édition du Festival International du cinéma de Saint-Sébastien, non plus.
Rappelons que le traditionnel Prix Donostia (nom basque de Saint-Sébastien) qui couronne une carrière a été remporté cette année par Emily Watson. L’actrice britannique a rendu hommage à deux grands réalisateurs qui ont marqué sa carrière : Robert Altman et Lars Von Trier ; Le premier qui l’avait dirigé en Gosford Park en 2001, fut « un vrai philosophe » ; tandis que le second qualifié de « réalisateur complexe » l’a «découverte au théâtre» et l’a lancé sur le grand écran dans le rôle de Bess dans le fameux « Breaking the Waves » en 1996. Ce palmarès est un avant goût de la saison culturelle de 2016 lorsque San Sébastien sera l’une des deux capitales culturelles européennes.