Cher Monsieur Copé,
Vous pouvez vous vanter d’avoir fait le buzz sur la toile avec votre pain au chocolat. Pas le vôtre, certes, mais celui des enfants de l’école élémentaire qui, selon vous, se le voient arracher par les petits musulmans pendant le ramadan. Lisez le coran, cher Monsieur : quand on parle de ramadan, on doit savoir ce qu’est le jeûne musulman, quand il a lieu, combien de jours il dure et qui le pratique. Si vous interrogez ne serait-ce qu’une demi-douzaine de musulmans pratiquants, ils vous répondront ceci : le jeûne dure une lune complète, de 28 jours à 29 jours et demi. C’est l’un des cinq piliers de l’Islam avec la profession de foi, les cinq prières quotidiennes, l’aumône et le pèlerinage à la Mecque. Les enfants, les malades, les vieillards peuvent s’abstenir, de même que les adultes qui voyagent (mais après ces derniers doivent « rembourser » les jeûnes manqués).
Donc, cher Monsieur Copé, les petits musulmans de l’école élémentaire savent pertinemment que les enfants ne sont pas astreints au jeûne. Votre violence verbale était d’autant plus choquante : arracher est violent, le geste est violent ; on imagine immédiatement le pain au chocolat jeté à terre et piétiné rageusement. Avez-vous une seule fois vu ce geste ? Non, vous vous contentez de reprendre une rumeur que vous avez peut-être entendue une seule malheureuse fois.
On arrache des mauvaises herbes, on les déracine. On arrache un clou avec une paire de pinces. On peut arracher des larmes à quelqu’un en lui racontant une histoire triste. Si l’on prend d’autres exemples du Robert, on se rendra compte de la violence du terme : arracher quelqu’un de son logement. S’arracher des vêtements soldés. S’arracher des bras de quelqu’un. S’arracher au passé… etc.
Deuxième point, essentiel : on peut éviter ce genre de rumeur reprise par certains politiques si on respecte les programmes de sixième ; en effet, l’histoire des religions y figure et les grands textes fondateurs en font partie. Or, si l’on trouve dans les manuels de français l’Iliade, l’Odyssée et la Bible, on y chercherait en vain une sourate coranique. La Bible et le Coran ont des points communs ; les trois religions abrahamaniques se ressemblent beaucoup ; j’ai entendu des professeurs alléguer que l’école républicaine est laïque. Soit. Il ne s’agit pas de décrire uniquement le christianisme et de parler de foi ou de grâce. Il s’agit d’apprendre à nos chérubins les caractéristiques des religions, pourquoi bien souvent elles se déchirent et, à ce titre, font partie de l’Histoire avec un grand H. C’est ce qui se pratique dans les écoles multiconfessionnelles de certains pays et c’est tout bénéfice pour les élèves.