Festival de cinéma Saint-Sébastien : « On Falling », coquille d’argent

S’il y a un fil conducteur parmi les films en compétition dans cette 72ème édition du Festival International du Film de Saint-Sébastien, c’est bien le fil d’Ariane vdu  féminin.Commençons par les  films qui ont été primés. La réalisatrice portugaise Laura Carreira a remporté le la coquille d’argent  du meilleur réalisateur pour son film On Falling qui raconte  l’histoire d’un jeune émigré portugais à Édimbourg, en Écosse.

Par le biais de  la vie monotone et solitaire d’une jeune femme qui travaille dans un grand magasin et  qui  partage un appartement avec d’autres immigrés, Carreira aborde des questions  sociale cruciales plus que jamais aujourd’hui , telles la précarité de l’emploi et ses effets sur la santé physique et mentale des personnes qui en sont touchées ; d’où le titre « la chute. Il serait tentant  de l’inscrire dans la foulée du réalisme socialiste  façon  soviétique, qui dénonce la condition des classes ouvrières dans le système capitaliste.  Ce serait en effet dans l’air du temps. Mais ici pourtant il n’y a pas de méchant patron, pas d’ennemi de classe, , tous sont perçus comme des braves gens qui font leur travail mais  sont prisonniers d’un mécanisme diabolique.    

Il n’y a pas d’hypothèse syndicale et de grève comme solution, non plus. Bien au contraire, le seul moment où le personnel des travailleurs socialisent entre eux, c’est quand une panne du système informatique bloque la production et force ainsi l’arrêt du travail. Mais ce fim sur la « chute » met en évidence la présence d’un nouveau protagoniste qu’on aurait du mal à définir  sinon par son omniprésence  discrète mais néanmoins incontournable : le téléphone portable et ses kyrielles de gadgets. Le téléphone est en fait le seul vrai compagnon de ces vies précaires et solitaires. C’est par ce biais là qu’on peut communiquer avec la famille et les amis là-bas au pays, au Portugal ; impossible  aussi sans portable de décrocher un entretien de travail ou une visite médicale…

Le grand mérite, peut être involontaire, de ce film est de forcer le spectateur à une prise de conscience devant cette réalité qui masque la tragédie, où le côté humain est dépendant d’un gadget informatique.

 Los Destellos

En continuant dans le sillage des femmes gagnantes des histoires de femmes : la Coquille d’argent pour la meilleure interprétation de protagonistes a été  remportée  par Patricia Lopez Arnaiz, protagoniste de Los Destellos (Glimmers, les lueurs).  Le film, réalisé par Pilar Palomero, est une adaptation d’un livre de la basque Eider Rodriguez qui raconte comment   une femme se rapproche de son ex-mari sur le point de mourir par l’intermédiaire de leur fille.

The Last Showgirl

Le prix spécial du jury a été décerné au collectif d’actrices de The Last Showgirl, œuvre de Gia Coppola, petite-fille du grand patriarche Francis Ford. Les gagnantes sont donc Pamela Anderson, Jamie Lee-Curtis, Brenda Song et Billie Lourd. Avec ce prix « collectif », le jury du festival a voulu saluer les aléas et les sentiments d’un groupe de femmes confrontées à la réalité d’un monde qui se termine. Le monde qui se termine est celui des danseuses du Jubilee Show, un classique des maisons de jeux de Las Vegas dont la finale a eu lieu en 2016. La protagoniste, interprétée par Pamela Anderson, doit composer avec le passage inexorable du temps et qui rend la danseuse plus fragile et moins « recyclable » en termes de travail, mais qui tente également de réparer une relation difficile avec sa fille.

Pamela Anderson, ancien sex-symbol des années 90 et protagoniste de la série Baywatch sur les actes héroïques et érotiques des sauveteurs nageurs des plages de Malibu de l’époque, considère que c’était le rôle le plus important de sa vie « comme si j’étais passée de Baywatch à Broadway, sans passage intermédiaire entre les deux. »

Gia Coppola a déclaré avoir voulu absolument tourner un film à Las Vegas, car c’est le point culminant de « l’Espagne américaine » et à travers cette histoire elle voulait raconter un pays, le sien, les États-Unis, en transformation. C’est aussi pourquoi l’accent est mis sur la rencontre/clash entre la mère danseuse topless et sa fille qui aspire à devenir photographe.

Les scènes se déroulent principalement dans les loges des danseurs où prédominent les dialogues où les filles expriment leurs peurs et leurs espoirs. Mais il y a des aperçus d’un Las Vegas inattendu, de parkings et de terrasses, pendant le jour, pour reprendre les mots d’Anderson « Las Vegas pendant le jour, c’est un peu comme une femme sans maquillage ». En fait, pour ceux qui connaissent Las Vegas, c’est exactement comme ça : le dernier bastion du Far West dont on a tant bombardé nos esprits, où tout est exagéré, les couleurs, le kitsch, les jeux de hasard qui attirent les foules comme une ruée vers l’or, les lieux où la frontière entre serveuse, danseuse et prostituée est floue.

Si je peux me permettre un commentaire synesthésique je dirais : The Last Showgirl a le goût du Coca-Cola, format « classique », goût étrange, mais familier, liquide, sucré et plein de bulles… le film se termine un peu en queue de poisson, et comme Coca-Cola n’étanche pas votre soif. Mais c’est l’Amérique, la vraie.

Quand vient l’automne

Terminons cette chronique avec un coup de chapeau pour l’acteur Pierre Lottin, qui a obtenu le prix pour le meilleur second rôle dans le film Quand vient l’automne, dernière œuvre de François Ozon. Dans un village de Bourgogne, Lottin joue le rôle du fils d’une prostituée à la retraite (Josiane Balasko). Ce film qui a également remporté le prix de la meilleure scénographie met en scène deux ex-prostituées confrontées à leur passé et à leurs enfants devenus adultes.

Le film a deux grands mérites : le premier est de démontrer que des rôles-titres peuvent être confiés à des femmes « mûres » dans une industrie cinématographique qui favorise les jeunes ; la seconde est d’aborder l’amour filial travaillé par la honte entre ces deux mères et leurs progénitures.

Mais il y a selon moi, un troisième facteur, qui permet la relative fin heureuse du film : le « felix culpa », c’est-à-dire « l’heureuse faute » de saint Augustin… expression qui dans un usage profane signifie un péché qui justifie l’arrivée de la rédemption. Ne déflorons pas la fin, car le film d’Ozon a une légère saveur de thriller.

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