Un film latino-américain parlant de la tension entre une mère et son fils suite à l’absence du père, pourrait paraître une déclinaison mexicaine de l’idée d’un matriarcat formé par des femmes qui élèvent seules leurs fils et dont parlait éloquemment le vénézuélienne Mariana Rondón, récipiendaire de la Coquille d’or de cette 61ème édition du Festival du cinéma de Saint-Sébastien (voire chronique précédente). Mais les affinités entre le vénézuélien Pelo Malo de Mme Rondón et Club Sandwich, réalisé par Fernando Eimbcke et gagnant du Prix du meilleur réalisateur n’ont entre eux qu’une langue commune l’espagnol d’Amérique latine.
Le film du réalisateur mexicain relate les tensions entre une mère et son fils quand ce dernier commence à découvrir sa sexualité. Selon son réalisateur, Club Sandwich n’est pas seulement l’histoire de la découverte de la sexualité de la part d’un ado de la classe moyenne mexicaine mais surtout « un regard sur l’adulte, la mère et le mélange de peur et souci que la normale évolution du fils implique ». Tourné dans un contexte minimaliste, presque toutes les scènes se déroulent dans des chambres d’hôtel ou au bord de la piscine de l’hôtel ; le coté positif du film est qu’il arrive à offrir de moments de divertissement, malgré la banalité de la thématique et la tension sexuelle vécue par le jeune s’exprime par des épisodes rigolos qui sauvent le film.
Serial Killer rides again
Le prix du jury pour la meilleure photo est allé à , Caníbal Pau Esteve Birba caméraman de Caníbal (le cannibale), film réalisé par l’espagnol Manuel Matin Cuenca. Le film raconte l’histoire d’un serial killer cannibale qui mange ses victimes après les avoir tuées et la caméra de M Cuenca se tourne sur l’éternelle question du mal absolu. L’assassin cannibale est un couturier respecté de la ville de Grenade, professionnel passionné par son travail, bien intégré dans la société qui utilise sa position sociale pour masquer son être véritable et profond. Pas besoin de s’attarder sur la banalité du mal, d’autres l’ont fait de façon sublim, Caníbal e, juste souligner que le Cannibale en question n’est pas de tout un film banale : le silence prend la place des hurlements, des entrecôtes de chair humaine prennent la place du sang à flots, ce qui permet que le sentiment d’angoisse chez le spectateur soit peut être encore plus fort.
Selon son réalisateur, Caníbal est « une tentative de ne pas tomber dans des analyses psychologiques pour expliquer la présence du mal, mais de présenter le mal dans son état pur, et de faire un pas de plus : se demander ce qui se passerait si le diable en personne tombait en amour ». Pour des raisons évidentes nous ne dirons pas ce qui se passe quand le cannibale tombe amoureux d’une de ses proies…
Les images de la caméra de M Birba ont bien mérité le prix et présentent un paysage d’Andalousie hivernale avec sa Sierra Nevada…enneigé, si vrai pour ceux qui eu la chance de connaître le temps des amandiers en fleur qui relaient dans les vallées la couleur de la neige des montagnes ; une Andalousie si distante des clichés, la plus méridionale du continent européen et la plus proche par la géographie et l’histoire au monde arabo-musulman au soleil et les plages si chères au touristes. Cet hiver andalou dont nous fait cadeau Pau Esteve Birba nous fait découvrir un autre aspect moins connu de cette grande région .
Un autre indéniable mérite de Caníbal est de revendiquer un enracinement culturel spécifique. La culture de la ville de Grenade est l’autre protagoniste des images du film avec ses confréries et ses processions de la Semaine Sainte qui aident à mettre dans un contexte de normalité culturelle un personnage démoniaque. « Je suis athée par la grâce de Dieu » disait Luis Buñuel, l’adage a été repris par Cuenca en expliquant pourquoi son film donne autant de place à des cérémonies religieuses. « Il s’agit de notre culture, une culture Chrétienne qui par ses gestes symboliques des fêtes consacrées parle de sang, de mort, de pardon et de rédemption, des thématiques de fond qui sont dans le film ».
Le prix pour le meilleur scénario est allé à Quai d’Orsay, la dernière œuvre de Bertrand Tavernier, une adaptation au grand écran en comédie de la bande dessiné homonyme de Lanzac&Blain. L’histoire se centre sur l’expérience de Antonin Baudry en tant que « speechwriter » d’un ministre des Affaires Etrangers français chaotique et cultivé (on y voit clairement une référence à Dominique de Villepin) avec un penchant pour les dialogues d’Héraclite, et interprété par un extraordinaire Thierry Lhermitte. En recevant le prix, Antonin Baudry, le scénariste a raconté que ses collègues au Quai d’Orsay ont aimé le film « parce qu’il montre la difficulté des conditions de travail des fonctionnaires et détruit les images stéréotypées des diplomates vivant une vie luxueuse et facile ».
Dominique de Villepin, objet de burle de la part de Bertrand Tavernier ? « Pas de tout » répond le réalisateur français « il est l’auteur de l’un des plus beaux discours aux Nations Unies, il a personnifié l’un des plus beau moments de la politique française, il a empêché des guerres civiles en Afrique et a fait face aux néoconservateurs américains… On ne se moque jamais de son action, mais de la forme… L’Europe est une vision et un symbole pas un calcul d’usuriers disait Dominique Villepin par le bais de Lhermitte, je préfère ça à tout ce que dit le commissaire européen Barroso » a souligné Tavernier.
Le moins qu’on puisse dire est que le ‘maître’ du cinéma parle pour nous tous.