La véritable mine d’or de l’âge de l’information et de la communication, ce sont les données des citoyens. Une grande majorité d’entre nous utilise de manière quotidienne les outils, certes très pratiques, que sont les Facebook, Amazon, Google et consœurs. Offrant des interfaces orientées vers les utilisateurs finaux, d’accès faciles et peu coûteux, chacun offre un peu de sa vie privée dans les immenses Data Centers de ces multinationales. Ces données ne dorment pas. Du fait de leur centralisation et du nombres d’utilisateurs potentiels, elles valent de l’or, beaucoup d’or. Ainsi lorsqu’un utilisateur se branche sur Google pour une requête quelconque, l’objet de cette requête, on le sait, est automatiquement décortiqué par des robots afin de profiler l’utilisateur et lui fournir en temps réel les informations souhaitées. «Vous l’avez rêvé, Sony l’a fait ! ». C’est tout à fait la logique d’un marketing individualisé qui fait miroiter au consommateur qu’il est maître de sa demande.
On ne donnera pas ici de jugement moral sur la pertinence ou l’utilisation de Facebook en tant qu’outil de communication social. A chaque ère, son mode de communication particulier, et le concept de réseau social numérique est bien adapté à l’époque où nous vivons. Cependant, que cache réellement la communication des entreprises comme Facebook, qui, sous couvert de haute technologie, se donne l’apparence d’une entreprise in dans laquelle chaque travailleur peut s’épanouir ? D’un point de vue économique, il n’y a pas plus conservatrices que les grandes entreprises du numérique, dont la logique s’appuie d’abord et avant toute chose sur la rentabilité.
Certes, Facebook n’est pas la seule société à avoir développé le concept de réseau social sur Internet. Il y a son concurrent, Google+ (lancé par Google, qui maintenait aussi il y a une dizaine d’années Orkut), dont la logique financière et le modèle économique est proche de celui de Facebook (accès central aux données). Cependant, et cela est moins connu, il existe des technologies offrant le même service, basées sur des modèles économiques alternatifs qui ne visent pas la rentabilité et dont le respects des données des utilisateurs est garanti par l’architecture du système (décentralisation, cryptage).
Il est alors possible de déterminer deux visions opposées de l’usage quotidien de l’Internet et des outils associés. Une est conservatrice, dominée par des acteurs économiques majeurs qui s’inscrivent dans l’ordre économique mondial financier. Facebook a ainsi annoncé récemment plus d’un milliard de dollars de bénéfices en 2013, surpassant les attentes [http://tcrn.ch/xF0ceE], tandis que ceux de Google se montent à 2,8 milliards de dollars [http://bit.ly/147Y4qa].
L’autre, underground, s’inscrit dans la continuité des mouvements libertaires, très proches de la philosophie des radios pirates de rock qui contestaient alors l’Ordre établi des sociétés européennes, comme le raconte le film Good Morning England. Ce mouvement, décentralisé, communautaire, n’en ai en réalité pas un : s’il existait une société civile du numérique, il en serait bien plus proche dans la structure et dans l’esprit. Il se forme d’une multitude d’initiatives individuelles, la somme intégrée de nombreux projets, dont certains marqueront à jamais l’histoire de l’ère numérique : le projet Mozilla, qui développe en particulier le fameux navigateur Firefox[http://mzl.la/aMJ4eY] en est probablement un des exemples les plus éclairants.
En effet, les projets communautaires sont divers, ont des objectifs différents et recoupent des aspects bien différents du monde numérique : depuis la mise en service de systèmes d’exploitation libres, comme ceux basés sur les outils GNU [http://bit.ly/158R6]et le noyau Linux, jusqu’à la conceptualisation de réseaux numériques déconnectés de l’Internet, inspirés par les fameuses stations pirates de radios et les mouvements culturels libertaires[http://bit.ly/Uf2YgP]. Ces pirates box, à la fois concept simple et prouesse technologique impactera probablement nos habitudes de vie locale dans un futur à moyen terme. Utilisant des logiciels ouverts et libres, elles permettent de créer des réseaux mobiles sans fils qui peuvent, permettent de communiquer anonymement, de façon locale. Je rêve d’un réseau de quartier, libre et populaire, décentralisé et efficace,ou chacun installerait son propre relais et partagerait ses fichiers, où les informations locales seraient relayées facilement. Pourquoi ne pas combiner un tel réseau, avec, par exemple ,une implémentation du Projet DIASPORA* dont je parle plus loin dans l’article. Il est même possible d’aller plus loin en imaginant l’usage d’une monnaie locale dont les vertus économiques ne sont plus à prouver, comme l’a démontré dans son cinquième numéro Usbek & Rika, le magazine qui explore le futur [http://bit.ly/bYcCH0] ?
Quelle place pour les citoyens ?
Ce qui distingue réellement l’usage de l’Internet voulu par les multinationales de l’Internet avec celui défendu par la société civile numérique est la place des citoyens dans ce réseau. Tandis que l’un des côtés centralise les données et les exploite, l’autre, au contraire, bâtit au jour le jour un modèle décentralisé et respectueux des citoyens en fournissant, pierre par pierre, étape par étape, les outils techniques, de communication, sociaux etc. devenus essentiels à la vie numérique, mais sur un modèle, qui lui, est bien alternatif.
Alors, pourquoi confions-nous aussi facilement nos données à ces multinationales, surtout à l’heure où de bien étranges révélations venant des États-Unis nous sont faites ? Toute est question, finalement, d’éducation et de connaissances des enjeux du numériques. Qui connaît, par exemple, le projet DIASPORA*, the Community-run, Distributed Social-network,qui offre de belles promesses et dont l’usage potentiel est n’a de limite que votre imagination ? Le projet DIASPORA* [http://bit.ly/hBNJGa] implémente un réseau social et offre les mêmes fonctionnalités que les réseaux sociaux les plus populaires. Mais à la différence de ces concurrents, personne ne possède DIASPORA*, dont le code source est à disposition et modifiable par n’importe qui. L’architecture de DIASPORA* repose sur une multitudes de serveurs, dont chacun est géré de manière automne mais qui sont tous en relation, véritable écosystème numérique. La chute d’un serveur n’entraîne pas la chute du système tout enXtier, la décentralisation est gage de sécurité. A la fois pour le système et les données des utilisateurs.
A cet égard l’acquisition d’une solide culture numérique est capitale. La capacité à pouvoir débusquer et détourner ces mécanismes qui peuvent devenir manipulatoire doit également s’appuyer sur une éducation large et transdisciplinaire. L’usage massif des services offerts par Facebook, Google, certes très pratiques, ne cache-t-il pas une méconnaissance globale des véritables modèles économiques et techniques des entreprises qui les proposant ? C’est une véritable question citoyenne que nous posons. Car l’éducation est la clé de l’esprit critique, qui permet une prise de distance de nature intellectuelle sur le monde quotidien, et plus particulièrement dans le vaste ensemble que représentent les sciences informatiques. La maîtrise d’un outil particulier n’entraîne pas la maîtrise de l’outil en général. C’est la nature même des sciences informatiques qui implique cela : l’informatique, est une agrégation de systèmes, chacun de ces systèmes étant conçus de façon pyramidale. Savoir maîtriser la couche de haut niveau ne nécessite pas de comprendre le fonctionnement, même conceptuel, des couches de plus bas niveau.