Comment décliner la solidarité internationale sans tomber dans les pièges du néocolonialisme et des logiques des marchés ? C’est l’équation à laquelle ont tenté de répondre plus de cent cinquante militants associatifs du réseau des partenaires de Via le monde lors du 2ème Forum départemental des acteurs de la solidarité et de la coopération internationale qui s’est tenu le 27 novembre 2010 à la Maison de Culture de Bobigny (MC93).
D’entré de jeu Gilbert Roger, vice-président chargé du développement économique et des relations internationales du Département, a brossé les avancées du réseau départemental qu’ont illustré fort à propos des « images sur le vif », un film de Elise Picon sur l’activisme des associations séquano-dyonisiennes.
En effet la Seine-Saint-Denis se trouve en pointe dans ce domaine comme l’a souligné Hugues Latron, directeur du Centre départemental de ressources de Via le monde en s’appuyant sur une enquête de l’agence Coop Dec qui montre que parmi les 4500 associations de solidarité internationale créés l’an dernier en France, plus de 17% l’ont été en Seine-Saint-Denis, soit un peu plus de deux fois la moyenne nationale (6,53%). Les explications seraient à trouver dans la population multicolore du département où vivent les ressortissants de plus de cent pays dont les attaches avec leurs patries demeurent particulièrement vives. On l’a vu notamment avec des associations haïtiennes particulièrement éloquentes durant cette rencontre. A quelques jours d’un scrutin en Haïti, leurs représentants se sont plaints de ne pas avoir été associés aux efforts de reconstruction à l’égard de leur pays. Ce qui a conduit le directeur de Via le monde à devoir expliquer le choix du Conseil général à ce propos lequel a préféré verser une subvention de 30,000€ au travers le CUF, une organisation internationale de coopération soutien regroupant les diverses collectivités territoriales du pays.
Les OMD dans la mire des associations
Les objectifs du millénaire pour le développement (OMD), proposés par les Nations-Unies, ont été également passés au crible. C’est Ronack Monabay de l’Action mondiale contre la faim qui s’y est collé. Les ambition du programme incluaient la lutte contre l’extrême pauvreté, la réduction de la malnutrition chez 2/3 des enfants dans les pays pauvres, l’égalité des sexes, et le versement de .7% du PIB de chaque pays au Développement… Le chargé de campagne a montre que ces objectifs, certes louables, n’avaient pas été atteints, tant s’en faut. Pire, ils étaient détournés au profit des multinationales qui s’en servent pour gagner des parts de marchés dans ces économies émergentes. Ainsi plus de 50% des contrats signés avec des pays africains l’auraient été avec des filiales françaises installées sur le Continent noir.
Cette fracture apparaît également dans le milieu des humanitaires, par trop fermé sur lui-même et endogène pour séduire le grand public, explique, pour sa part, Sébastien Guittard, chargé de mission de Grandir’a. Pour y pallier, la fédération a commandé huit courts-métrages auprès d’autant de cinéastes internationaux dont Gus Van Sant, Palme d’or au festival de Cannes. Car le public serait beaucoup plus enclin à soutenir l’aide humanitaire si on lui balisait davantage le chemin.
Les jeunes
Dans ce contexte, les jeunes demeurent une cible de choix. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce public est capable de se mobiliser si on crée le cadre pour ce faire. Tel est bien le sens de l’expérience menée à Aubervilliers où depuis quelques années, les jeunes se sont davantage impliqués que les adultes autour d’initiatives de développement.
Le dernier volet de ce forum était d’ailleurs dédié à l’éducation. Laurent Rigollet, chef de projet du réseau Educasol, a mis en lumière l’action de sa plate-forme qui regroupe une trentaine d’associations pour lutter contre les inégalités et la désinformation en ce domaine. Plaider en faveur de l’éducation et mutualiser les moyens sont les deux axes de ce regroupement.
Anne de Mullenheim a détaillé, quant à elle, les actions de l’association Starting block dont elle est chargée des publics jeunes. Les programmes-phares sont Handivalides et Sens qui sont destinés à sensibiliser les jeunes à la condition des invalides et à la solidarité internationale. Leur attention est sollicitée au travers de jeux de rôles et de plateau, ce qui les rend très populaires auprès de cette population que l’ont dit blasée.
Toutes ces initiatives témoignent certes de la vigueur de ce que le directeur de Via le mondeappelle « le cosmopolitisme » du Département équivalent à cet égard à celui de New York. Mais ce cosmopolitisme reste encore tributaire du regard tiermondiste dont l’aide au Développement est le dernier avatar. C’est sans doute la raison pour laquelle la réflexion et les initiatives sur la mutation technolgique, la transculture et la multicitoyenneté demeurent encore marginale dans ce genre de rencontre comme la mobilisation de la population et des médias (y compris départementaux) qui vendredi dernier, brillaient par leur absence.