« Vous avez votre Carte Vitale ? » me demande hier mon pharmacien.
La carte vitale. Chaque fois, c’est comme s’il disait : « Vous avez le talisman ? Vous êtes des nôtres ? » Vital. Il est vital que je présente ma carte. Sans elle, je suis fichue, ne suis plus rien. Comme ma Carte d’électeur est devenue Carte électorale – ce qui m’escamote en tant qu’électrice – ma Carte d’assuré social a fait place à la Carte vitale : disparue, l’assurée sociale ! Ne subsiste là encore qu’un machin de plastique, qu’il faut croire chargé de vie puisque sans lui, plus d’assurance sociale.
Les décideurs, qui savent apparemment mieux que tous comment il convient de (re)nommer nos vies, oublient, se fichent ou, plus sûrement, ignorent que, loin de n’être qu’une coquille vide dont on fait ce qu’on veut, un mot a un sens immémorial qui n’est pas transformable par décret. Il évolue, c’est-à-dire qu’il augmente : il n’est pas censé s’appauvrir.
Jusqu’à plus ample informé, « vital » signifie 1) « quelque chose qui constitue la vie », 2) « une réalité énergétique propre à la vie », 3) « quelque chose d’essentiel à la vie d’un individu, d’une collectivité. » (Dictionnaire de la langue française, Petit Robert).
On imagine l’être humain, comme le mot, de plus en plus exsangue, au profit de ces cartes, florissantes, elles, devenues « quelque chose d’essentiel » à la vie, individuelle ou collective…
Christine Godbille